Littérature française

Pauline Delabroy-Allard

À la folie

L'entretien par Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

Ça raconte Sarah plonge le lecteur dans le tourbillon d’une passion amoureuse intense, absolue et destructrice. Les mots de la narratrice touchent le cœur et l’âme et captivent jusqu’à la suffocation. Pauline Delabroy-Allard réussit, avec son premier roman, une entrée en littérature par la grande porte.

Quand la narratrice du roman rencontre Sarah, elle mène une vie bien rangée, presque mélancolique. Alors qu’elles ont, à première vue, bien peu en commun, les deux femmes se laissent absorber par un sentiment, une urgence, un trouble qui les dépassent. Cette passion conjugue le besoin physique avec celui de se perdre en l’autre, celui de le blesser aussi. Pauline Delabroy-Allard vous emporte dans le « tourbillon tempétueux » de cet amour fou qui n’a jamais si bien porté son nom.

 

PAGE - Ça raconte Sarah, c’est l’histoire d’un amour fou entre deux femmes, la narratrice et Sarah. Parlez-nous de ces deux personnages.
Pauline Delabroy-Allard - La première partie du roman est axée sur le personnage de Sarah. C’est une femme indépendante, libre, qui vit sa vie comme elle l’entend, uniquement, et qui va vivre une histoire d’amour avec la narratrice qui elle est une femme très différente, plutôt réservée, avec la tête sur les épaules et qui n’a pas beaucoup d’enthousiasme pour la vie avant sa rencontre avec Sarah.

P. - De Sarah, vous écrivez qu’elle est « une tornade inattendue », « un imprévu », « un accident », « une brèche ». De la narratrice, vous dites qu’elle est « la mère d’une enfant parfaite, le professeur d’élèves remarquables, la fille de parents merveilleux ».
P. D.-A. - Oui, c’est une manière de signifier une vie qui coule, tranquillement, sans heurts et qui aurait pu continuer comme ça longtemps.

P. - Jusqu’à sa rencontre avec Sarah qui va complètement bouleverser son rapport au monde. Était-il essentiel, pour vous, que cette relation qui se noue presque malgré les personnages soit si intense et pas seulement une histoire d’amour ordinaire ?
P. D.-A. - Ce n’est pas une histoire d’amour, c’est vraiment un livre sur la passion et, comme chacun le sait, la passion, c’est l’amour ET la guerre. C’était donc vraiment important qu’on retrouve à la fois ce côté subi, soudain, l’idée de ne pas avoir le choix devant ce qui arrive, puis le déroulé de la passion et la fin de la passion, parce que ça se termine.

P. - Comment avez-vous travaillé la construction du roman, l’écriture propre aux différents moments de l’histoire ?
P. D.-A. - Le roman est construit en deux parties avec une courte scène inaugurale qui anticipe l’articulation entre elles. La première partie est consacrée à la passion, à l’obsession avec une écriture haletante, dans l’urgence, l’urgence de tout dire, alors qu’il est évidemment impossible de tout dire de la passion. Puis il se passe quelque chose dans le récit qui ouvre une deuxième partie avec une écriture beaucoup plus longue. La scène se passe ailleurs, à l’étranger, en Italie, et elle est beaucoup plus axée sur les sentiments de la narratrice et l’après passion, qui est encore une passion.

P. - D’ailleurs, même si Sarah est absente dans la deuxième partie, elle est malgré tout très présente pour la narratrice.
P. D.-A. - Oui, c’est un tatouage à vie. Elle ne pourra plus s’en défaire.

P. - Autour des deux femmes qui sont au centre du roman gravitent d’autres figures féminines, de manière plus ou moins fugitive. Ce roman n’est-il pas aussi une manière de dire le féminin dans sa complexité, avec sa densité ? Était-ce une volonté dans l’écriture ou est-ce que, comme la passion, cela se réalise presque malgré vous ?
P. D.-A. - Effectivement, ce qui m’intéresse le plus, ce sont les femmes et la manière dont elles sont au monde et la manière dont on écoute – ou pas – leurs voix. Donc c’est vrai que ça m’intéressait beaucoup plus de décrire des femmes. Mais il y a quand même un personnage d’homme très important dans ce texte. Ce n’était pas du tout un enjeu dans mon écriture, je ne l’ai pas du tout pensé comme ça. Je trouve que les femmes sont des mystères à dévoiler.

P. - Sarah est violoniste ; la narratrice écoute frénétiquement des disques de musique de chambre mais la musique est plus qu’un thème dans le roman. Il y a, dans votre écriture, une recherche formelle, une recherche de rythme. Est-ce que cela a été difficile à travailler ou est-ce qu’au contraire cela a été comme imposé par l’histoire ?
P. D.-A. - C’est venu assez naturellement avec une écriture de leitmotiv, de répétitions qui sont des éléments qu’on retrouve en effet dans la musique, notamment classique mais pas seulement, et c’est quelque chose qui est bien sûr également en rapport avec l’obsession, le caractère obsessionnel de la passion.

Il y a, à plusieurs reprises dans le roman, des passages « informatifs », « documentaires » qui rompent avec le style en flux continu, de manière presque ludique parfois. Quel est l’enjeu de ces passages dans le récit de la passion ?

P. D.-A. - Ce sont des passages d’écriture que je pourrais qualifier d’objective, qui sont inclus à certains moments du récit où la passion étant vraiment trop forte, le tumulte de la vie trop important, ils viennent reposer non seulement les personnages mais aussi, j’imagine, le lecteur. Ils le ramènent à des choses concrètes, palpables de la vie matérielle. Ils constituent des pauses dans le tourbillon tempétueux.

 

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Mercredi 12, Le Divan, Paris 15e.
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Jeudi 4, librairie Mémoire 7, Clamart, à 19 h.
Mercredi 10, librairie Passages, Lyon.
Jeudi 11, librairie Les Traversées, Paris 5e.
Mercredi 17, librairie Ombres blanches, Toulouse.
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Vendredi 9, librairie Les Beaux jours, Tarbes.
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Mercredi 14, librairie Le Silence de la mer, Vannes
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