Tovaangar

Ici, pas de catastrophe ayant éradiqué toute vie sur Terre, mais un complet changement de paradigme : la civilisation humaine n’est plus que vestiges, dans les mots où persistent des résonances, dans les infrastructures comme celles de la ville de Los Angeles dont la topographie est transposée avec précision dans un décor naturel inédit. Nous suivons l’expédition vers l’Océan d’un équipage singulier composé d’Amaryllis l’Auboisière, Mianeh la Dronote, Atlal le Gros-Cerveau, Bye et Daï les Créates… Autant de familles et d’espèces hybrides, humanoïdes ou non, que nous découvrirons en chemin avec leurs caractéristiques, leur langage, leur culture propre. Comme dans Plasmas, la relation des vivants à leur milieu et la plasticité de leurs interactions, les usages et design insolites en résultant, constituent le prisme narratif d’une écofiction d’un nouveau genre. De l’action il y en a, sensorielle et vibrante grâce à une écriture attentive aux variations d’intensité et de flux. Concentrée sur l’ici-et-maintenant, répondant plus volontiers au comment qu’au pourquoi, celle-ci nous laisse percevoir des protagonistes leurs pensées et objectifs prochains, tandis que la compréhension du contexte et des fins ne nous sera pas délivrée telle quelle. L’imaginaire de Céline Minard semble autant imprégnée de science-fiction que de littérature américaine et de nature writing : sa manière de raconter l’altérité, sa propension à privilégier la coopération sur le conflit comme moteur de l’histoire, à croiser l’artificiel et l’organique, rappellent aussi bien Ursula K. Le Guin que la philosophe Donna Haraway. Se situant à la pointe de ce qu’explorent aujourd’hui l’art et la recherche rapprochant biologie et sciences humaines, humain et non-humain, elle en délivre une incarnation littéraire magistrale.