Jeunesse

Cécile Alix

Six contre un

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photo libraire

Chronique de Hélène Deschère

Librairie Récréalivres (Le Mans)

Avec ce nouveau titre de Cécile Alix, les éditions Magnard continuent d’étoffer leur collection « Presto ». Pensée pour les ados que la lecture pourrait rebuter, elle propose des textes courts, faciles à lire mais pas simplistes.

Dans ce roman, Cécile Alix aborde la question délicate du harcèlement scolaire. Ludo, âge indéterminé mais collégien, vit un enfer. Julien et sa bande, six garçons au total, le maltraitent. Constamment. De toutes les façons possibles. Sans jamais se lasser. Ludo raconte, Ludo rend compte. L’originalité ici n’est pas tant dans le sujet que dans la manière de l’aborder. On ne connaîtra pas le début, à peine évoqué plus loin dans le récit. Parce que l’important n’est pas de comprendre pourquoi. Mais plutôt d’entendre ce que Ludo ressent, ce qu’il traverse dans sa chair et dans sa tête en vivant cette situation terrifiante. L’écriture de Cécile Alix est brute. Elle se calque sur la sensation d’étouffement, le manque d’air de Ludo, celui qui lui fait dire « ils sont. Je ne suis plus. » Les phrases sont courtes, donnant un rythme vif. Le lecteur s’essouffle face à l’urgence et au danger. L’auteure exprime avec justesse les mécanismes de défense mis en place par Ludo (non, il ne dira rien). Et la peur. Celle qui le paralyse, qui l’empêche de parler, d’agir. Même si la colère est là, retranscrite dans les monologues en italique. Celle qu’il aimerait exprimer. Parce que dans sa tête, les répliques sont cinglantes, les réactions immédiates. Sauf que dans la réalité, ce n’est pas si simple. Et c’est cela que le texte de Cécile Alix entend montrer. Le lecteur se heurte à cette vérité, que bien souvent on préfère ignorer : « on peut souffrir à en crever dans une cour de collège. On peut se faire torturer et vivre un enfer. Elle dérange la violence des ados. Elle flanque la trouille. [...] Tout le monde est paralysé. Tout le monde se tait. Moi le premier. » Et pour une fois, l’ado ne s’en sort pas grâce à la pratique du théâtre ou du sport. La danse viendra après. Une fois débarrassé de ses bourreaux, il libérera son corps en le laissant s’exprimer. Et en respirant à nouveau.