Bande dessinée

Benoît Peeters , François Schuiten

Revoir Paris

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Chronique de Claire Rémy

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Le duo formé par Benoît Peeters et François Schuiten nous entraîne avec émerveillement, depuis plus de trente ans, dans le monde des « Cités Obscures » (Casterman). Pour leur retour, ils s’en éloignent un temps et nous entraînent dans un Paris futuriste, mais pas si différent de celui que l’on connaît…

Nous sommes en 2156. Un siècle plus tôt, pour échapper au chaos dans lequel la Terre sombrait, une colonie de Terriens a construit des Vaisseaux et s’est réorganisée dans une Arche, loin de la folie humaine… Notre histoire commence au quatrième jour d’une expédition visant à retourner sur Terre, avec, à sa tête, Kârinh, une jeune fille indépendante et torturée. Elle est née dans l’Arche et n’a jamais connu la Terre. Elle ne la connaît qu’à travers des livres sur Paris, miraculeusement sauvés lors de la fuite, dans lesquels elle se plonge éperdument. « Qui aurait imaginé que ces papiers obsolètes, comme on disait, ces vieilleries que l’on désherbait dans les dernières bibliothèques, redeviendraient un jour notre seule mémoire, notre unique accès à la connaissance ? » Si la mission a pour objectif de recréer un contact avec la Terre, celui de Kârinh est tout autre : retrouver ses parents, tout du moins leur souvenir. Son père et sa mère se sont rencontrés à Paris et cette dernière est décédée pendant le Grand Départ pour l’Arche. À l’aide de drogues, auxquelles elle est de plus en plus dépendante, Kârinh fait des voyages dans le Paris raconté par les livres, à la recherche de son histoire. Une illusion dangereuse qui pourrait mettre en péril l’expédition tout entière… Schuiten et Peeters ont toujours l’art de créer des mondes futuristes et pourtant miroir de notre société. Revoir Paris n’échappe pas à la règle en nous proposant leur vision de Paris dans 150 ans. Un Paris, et des humains en général, asphyxiés par l’agressivité d’une population trop nombreuse, attendant la moindre occasion de fuir vers d’autres cieux. Pour ceux qui restent, il n’y a que le tourisme pour survivre. À l’évidence, les mises en garde écologiques actuelles n’ont pas été entendues et la Terre est dans un état de déchéance total, à tel point que Paris intra-muros est préservée sous un dôme. Mais de cette vision, les auteurs ont gardé les monuments emblématiques de la capitale et la technique sans pareille de Schuiten pour représenter l’architecture est une fois de plus éblouissante. Son dessin est d’une finesse et d’une grandeur magnifique, dans les détails comme dans les perspectives. Par de subtiles remarques, Peeters, quant à lui, nous interpelle sur notre présent. Ce premier tome (sur deux) développe parfaitement l’intrigue et lance des pistes scénaristiques qui font se poser mille questions. En arrivant dans la capitale, notre héroïne n’est pas au bout de ses surprises et on veut alors, nous aussi, vite, vite, revoir Paris !