On est parfois encore surpris par des auteurs que l'on pensait connaître. C'est le cas ici du dernier roman d'Elif Shafak qui nous emmène à la découverte de Chypre et de ses heures sombres, dans un texte à couper le souffle.

Si les ouvrages d'Elif Shafak sont attendus avec impatience par ses lecteurs, L'île aux arbres disparus est de ceux qui marquent au-delà de la renommée de leur autrice. Roman sur l'exil mais aussi sur l'amour, le récit est d'abord celui de la jeune Ada. Née à Londres de parents chypriotes, elle ne sait rien de ses racines et de l'histoire de ses parents. Elle vit avec son père, veuf inconsolable qui est plus proche de ses plantes que de sa fille et en particulier d'un figuier. Ces non-dits lui pèsent inconsciemment au quotidien, jusqu’au jour où tout ce qu'elle tait éclate en plein cours, dans un grand cri qui effraie ses camarades et lui fait une réputation de fille bizarre. À partir de là, la vie d'Ada va être bouleversée par l'arrivée dans sa vie de sa tante. Meryem, la sœur de sa mère, est différente des adultes qu'Ada a autour d'elle et d'elle-même, au point qu'elle a d'abord du mal à accepter la présence de celle-ci sous son toit. Petit à petit, la confiance s'installe entre elles et Ada va trouver des réponses à des questions qu'elle ne se posait même pas sur ses parents. Adolescents issus de deux communautés opposées à Chypre, juste avant le coup d'État de 1974, ils ont dû vivre leur amour clandestinement avant d'être séparés par les conflits et de se retrouver des années plus tard. Lorsqu'ils se retrouvent enfin, c'est avec tout un bagage de traumatismes et de pertes infligés par le conflit, dont la mère d'Ada ne se remettra jamais vraiment ; même après leur arrivée en Angleterre. À la fois récit historique qui nous parle d'une île que l'on connaît peu, mais aussi roman intime de la vie d'une jeune femme, L'île aux arbres disparus est un texte intense et complexe qui aborde avec beaucoup de justesse des thématiques essentielles, avec des personnages qui nous restent longtemps en tête.