La mer est un mur

La mer est un mur est un premier roman à la construction intéressante où le narrateur est d’emblée un personnage exclu de l'histoire. Il est le petit frère, le dommage collatéral, celui qui s'efface pour raconter l'histoire de ce grand frère trop différent et trop brillant, comme une étoile filante. La famille du narrateur a récemment investi sur une île de la Manche, à quelques kilomètres du continent. Sur ce morceau de terre où ils ont l'habitude de passer leurs vacances d'été, d'autres sont là depuis longtemps. Au fil des étés, les tensions se renforcent entre les nouveaux propriétaires et les habitants à l'année. Installés ici pour le travail et cantonnés dans des casernes où la vie est plus que spartiate, ceux que l’on appelle « ceux des casernes » nourrissent leur ressentiment pour ces propriétaires venus du continent leur voler leur île et profiter d'une mer qui, pour eux, n'est pas source de loisirs mais de labeur. Les deux clans s'affrontent dans une guerre de position silencieuse, chacun tenant l'autre pour responsable de ses frustrations. Le père du narrateur, sévère et dur, tente de transmettre à ses fils sa passion de la mer, sans s'apercevoir que c'est son incapacité à les comprendre qui conduira l'aîné à sa perte. Antoine est un jeune homme rêveur, en lutte contre ce père qui ne lui ressemble pas. Lorsqu'il rencontre Baptiste, un jeune garçon qui vit dans les casernes, la fascination qu'il éprouve à son encontre se transforme petit à petit en une amitié forte et exclusive. Antoine rejette alors sa famille pour tenter de devenir un habitant des casernes, refusant de voir qu'il n'y a pas de place pour lui dans ces vies toutes tracées. Troublant, poétique et délicat, le roman de Marin Postel est un roman social qui transpose, dans un décor insulaire majestueux, les problématiques des petits villages, à travers deux personnages de garçons pas à leur place, torturés et incandescents.