Littérature étrangère

Nuala O'Faolain

Chimères

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photo libraire

Chronique de Hélène Deschère

Librairie Récréalivres (Le Mans)

Fin février, Le Livre de Poche a réédité trois romans de Nuala O'Faolain, auteur irlandaise majeure. Prétexte parfait pour découvrir ou redécouvrir son œuvre littéraire dans laquelle se côtoient l'Histoire de l'Irlande et celle de femmes indépendantes, portant un regard sur leur vie et leurs choix.

 

Le prix Femina étranger décerné en 2006 pour son livre L'Histoire de Chicago May et le travail de l'éditrice Sabine Wespieser ont fait connaître auprès du lectorat français l'univers de Nuala O'Faolain. Journaliste, productrice de radio et de télé, militante féministe et politique, cette Irlandaise a construit une œuvre cohérente autour de ses sujets de prédilection : la condition sociale des femmes, la sexualité, le rapport au corps et à l'âge, l'Histoire de l'Irlande et l'exil. Rien d'étonnant qu'elle ait eu envie d'écrire la biographie de Chicago May, une Irlandaise installée aux États-Unis et figure de proue du milieu des arnaques, des vols et de la prostitution de la fin du XIXe siècle. Personnage insaisissable, luttant contre les conventions sociales et pour son indépendance, elle était le matériau parfait pour satisfaire le goût du romanesque de Nuala O'Faolain. Un peu comme Marianne Talbot, la jeune femme accusée d'adultère qui fascine Kathleen, la journaliste, héroïne du très grand roman Chimères. Ce fait divers, ayant eu lieu à l'époque de la grande famine en Irlande, sert de déclencheur à Kathleen pour y retourner et faire le point sur sa vie. Une autre manière d'interroger ce qu'est l'exil, l'amour, la sexualité, les empêchements et la solitude quand l'histoire de Kathleen croise celle de Marianne. Kathleen souligne ainsi : « l'état qui m'était plus essentiel que mon propre sang, sans lequel je ne pouvais pas vivre, c'était l'état de pénitence [...]. Parce que c'était là que mon moi le plus profond aurait dû se trouver. [...] Parce que j'étais condamnée à vivre parmi les ruines. C'était mon lot. » Le parallèle de ces deux portraits de femmes en souffrance, qui résonne encore aujourd'hui, met en lumière les apparences trompeuses d'une condition juste améliorée, ne faisant que renforcer le prix à payer pour gagner son indépendance ou seulement la rêver. Ce qui fait écho à Rosie et Min, les deux héroïnes de Best Love Rosie, un des plus beaux romans écrits sur la vieillesse. À plus de 50 ans, Rosie s'autorise enfin à choisir sa vie, sans se préoccuper de ce qu'on en dira. Min, sa vieille tante, découvre une autre ville que la sienne et jouit enfin d'une liberté trouvée. Là encore, il y est question d'écriture, comme élément déclencheur et central de la vie des personnages, puisque Rosie rédige un manuel à destination des plus de 50 ans. L'écriture et l'exil comme deux chemins pour se trouver, s'autoriser à être soi.