Littérature française

Jean-Philippe Blondel

Café sans filtre

illustration

Chronique de Cyrille Falisse

Librairie Papiers collés (Draguignan)

En croquant par petites touches impressionnistes une galerie de personnages dans un café, à l’heure où ces lieux de vie tourbillonnants nous ont tant manqué, Jean-Philippe Blondel nous offre un livre délicat et élégant.

On sous-estime souvent le côté romanesque des cafés dans la littérature. Pourtant, à bien y réfléchir, quel lieu convoque autant d’histoires, de fils narratifs ? Jean-Philippe Blondel en a conscience : il s’imprègne de ces maisons de substitution, il apprécie leur musique singulière et leur pouvoir fictionnel. Son dernier roman, Café sans filtre, situe son intrigue dans un passé proche, celui où nous avons été déconfinés, après des semaines à tourner en rond sur nous-mêmes, libres de retourner dans les cafés, d’y rester jusqu’à l’heure de notre choix, sans couvre-feu, d’y boire assis ou debout, au bar ou sur la terrasse. Nous étions beaucoup à nous interroger sur ce qui nous manquait le plus à cette époque : embrasser nos proches ou boire un verre en terrasse ? Un peu à la manière du héros d’Oslo, 31 août, le très beau film de Joachim Trier, qui entend toutes les conversations autour de lui quand il s’installe dans un café, comme si elles étaient dans sa tête, avec cette sensibilité mélancolique au monde, Jean-Philippe Blondel parvient à peindre des instantanés de vie qui se croisent et parfois se rencontrent. Gens de passage ou habitués, serveur ou tenancier, tous profitent de l’occasion, de la fin du confinement pour se raconter, pour prendre conscience que la vie doit être dite, partagée. Dans Café sans filtre la parole est libératrice. Dans un café, les solitudes se défont : Jocelyne, l’ancienne propriétaire, y croise Chloé, l’habituée de la table du fond qui dessine sans arrêt, José, le serveur bougon, Fabrice, le bienveillant propriétaire, Thibault, l’écrivain angoissé, son ami Pierre (sans doute le personnage le plus touchant de cette galerie), Françoise et son fils Guillaume qui parle fort de peur de ne pas être entendu. Dans un café, protégé par le brouhaha des conversations, on ose tout dire. Ode à ces lieux où l’on peut se déguiser ou faire tomber les masques, Café sans filtre donne envie de sortir, de parler, d’écrire, de dessiner, d’embrasser nos proches et d’entamer la conversation avec des inconnus.