Littérature étrangère

Armistead Maupin

Mona et son manoir

✒ Chloé Pénillault

(Librairie Rendez-vous n'importe où, Pontivy)

Près de cinquante années après les premières Chroniques de San Francisco, Armistead Maupin nous invite à nouveau dans son univers libre et drolatique, cette fois-ci dans une aventure britannique à la manière d’un cosy crime queer.

Quel plaisir de se replonger dans un roman d’Armistead Maupin ! On a un peu l’impression de retrouver des amis qu’on n’a pas vus depuis longtemps ; l’occasion de faire le point sur nos vies, de demander des nouvelles des uns et des autres. Pas toutes bonnes parce qu’on a vieilli. Certains sont partis, d’autres sont malades et d’autres encore ont refait leurs vies. Et puis il y a ceux dont on n’a plus de nouvelles. Bref, la vie et le temps qui passent. Bien sûr, on peut lire ce roman indépendamment des autres. L’histoire se tient, ce qu’il y a à connaître des personnages est précisé au besoin. Mais en vérité, quel bonheur de retrouver les amis de Barbary Lane, des années, que dis-je, des décennies après les avoir rencontrés à San Francisco ! Le temps a passé. Mona, la fille d’Anna Madrigal, la logeuse de Barbary Lane, est désormais installée en Angleterre, dans un manoir hérité de son défunt mari. Un de ces manoirs caractéristiques de la bonne société anglaise, entouré de jardins magnifiques, qu’on s’attendrait plus à croiser dans un roman de Jane Austen ou de Graham Swift. Mais les apparences sont trompeuses et on est bien chez Armistead Maupin : le manoir n’est plus de première jeunesse, il prend l’eau de partout, les souris y prennent leurs aises. Pour tenter de gagner de quoi l’entretenir, Mona, devenue Lady Mo dans la petite bourgade, en ouvre les portes aux visiteurs, alléchés par la promesse d’un séjour bucolique aux purs accents anglais. Elle est secondée dans cette tâche par son fils adoptif Wilfred et le vieux jardinier veuf, Mr Hargis. À l’approche du solstice d’été, arrive un couple d’Américains venus célébrer en Angleterre leur récent mariage et leur bonheur conjugal. Mais là encore les apparences sont trompeuses. Des nuages planent sur le couple et tout n’est pas si rose qu’il y paraît. Heureusement, Mona et Wilfred veillent au grain. C’est alors que débarquent Michael Tolliver, le vieux complice de San Francisco, accompagné d’Anna Madrigal, la maman de Mona. Dans ce manoir à l’atmosphère mystérieuse voire gothique, Armistead Maupin dresse, comme il sait bien le faire, une galerie de personnages attachants et haut en couleur. Il capte l’air du temps en nous parlant de communauté queer, de transidentité, de violences faites aux femmes, de discriminations, sans jamais rien céder à la joie et à la liberté. Cet opus des Chroniques est sans doute un peu plus sage, un peu moins déjanté que les précédents mais croquer dans une madeleine proustienne est toujours un plaisir délicieux et ce Manoir de Mona un bel endroit où démarrer l’été !

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