Essais

Sue Donaldson , Will Kymlicka

Zoopolis

illustration
photo libraire

Chronique de Amel Zaïdi

()

Qu’elle soit motivée par des raisons environnementales, éthiques, sanitaires ou économiques, la question animale devient un sujet de débat sociétal majeur. Plusieurs essais – mais aussi des fictions – paraissant en cette rentrée apportent davantage de poids, d’ouverture et de profondeur à cette problématique.

« L’homme est un loup pour l’homme », dixit Plaute dans La Comédie des ânes. Cette assertion largement relayée par des générations de penseurs, nous révèle le malaise qu’éprouve l’humain face à ses capacités destructrices. Dans son dernier livre, Extinctions : du dinosaure à l’homme, le géologue Charles Frankel en fait le constat : « c’est […] en un clin d’œil que disparaissent les espèces actuelles, et […] on a identifié un coupable : malgré nos protestations, il s’agirait de notre propre espèce Homo sapiens et de sa civilisation. » Dans cet essai, l’auteur permet à tout esprit curieux de comprendre les différentes vagues d’extinctions de masse qui ont ponctué l’histoire de la vie sur terre. Cette odyssée scientifique passionnante et didactique s’avère également alarmante puisqu’elle décrypte cette « sixième extinction de masse », qu’à la fois nous provoquons et subissons. Charles Frankel expose l’impact néfaste que l’homme a sur son propre milieu et fait de son livre un plaidoyer pour la préservation de l’écosystème. Will Kymlicka et Sue Donaldson font un constat similaire dans leur essai Zoopolis : « L’expansion incessante de la population humaine et le développement se font au détriment de l’habitat des animaux sauvages. Notre population a doublé depuis les années 1960 tandis que la population d’animaux sauvages a diminué d’un tiers. » Comme l’indique son sous-titre, ce livre est « une théorie politique des droits des animaux ». L’essai, paru en 2011 en anglais, représente un socle de données sérieuses pour un changement civilisationnel qui réajusterait la place de l’animal dans nos sociétés : « En réalité, l’exploitation des animaux sous-tend nos habitudes alimentaires et vestimentaires, nos divertissements et nos loisirs, et elle est également au cœur des structures de la production industrielle et de la recherche scientifique. » En repensant notre rapport aux animaux sous un angle éthique, cet essai fait le lien avec Règne animal, le roman de Jean-Baptiste Del Amo – en lice pour le prix Goncourt (lire l'article dans le numéro de Page de rentrée –, qui retrace les vies abîmées de cinq générations d’éleveurs de porcs et dépeint avec talent le sordide et la sauvagerie. Scientifiques et écrivains s’accordent en cette rentrée et nous invitent à repenser notre finitude et l’orientation que nous voulons donner à notre histoire.