Essais

Paul Jorion

Le Dernier qui s’en va éteint la lumière

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photo libraire

Chronique de Amel Zaïdi

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Pourquoi l’espèce humaine ne réagit-elle pas face à la destruction largement avancée de son milieu ? Pourquoi continue-t-elle d’y participer consciemment ? Autant de questions cruciales que pose Paul Jorion dans ce livre.

Le Dernier qui s’en va éteint la lumière est un ouvrage porté par le contexte d’urgence écologique que nous vivons. Selon Paul Jorion, l’humanité court littéralement à sa perte et c’est avec des notes d’esprit désabusées – et tout aussi porteuses de sens que le titre de son essai –, qu’il constate et analyse la torpeur dans laquelle nous sommes plongés malgré l’état plus que critique de notre environnement. L’anthropologue s’appuie sur des sources et des exemples solides pour démanteler les arguments d’une supposée « science » économique qui impose des pratiques inconséquentes et dont les résultats s’avèrent catastrophiques. Ses critiques sont vives à l’égard de notre système économique capitaliste et ultra-libérale, fondé sur une consommation irraisonnée et une obsolescence programmée, laquelle incite les dirigeants politiques au « court-termisme » et écarte l’idée, pourtant si nécessaire, du bien commun. Il s’attaque également aux croyances religieuses qui sont à l’origine de la démobilisation de l’homme quant aux échéances terrestres et ne manque pas de nous rappeler une des paroles de l’Évangile selon saint Jean : « N’aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde ». Face aux récits eschatologiques qui renvoient à l’au-delà la promesse de justice, Paul Jorion réussit méthodiquement à apporter une vision « réaliste et véridique de notre sort ». En puisant dans les écrits d’Aristote, Nietzsche, Shakespeare, Freud, Hegel, ou encore Julien Green, l’auteur tente de penser l’extinction de l’espèce humaine, qui « nous apparaît […] comme une abstraction vague », et nous invite à faire l’effort de regarder vers l’avenir. Les scénarii suggérés ne sont certes pas des plus réjouissants, mais « le temps est venu pour la lucidité de prendre le relais ».