Littérature française

Cédric Morgan

Une femme simple

illustration
photo libraire

Chronique de Olivier Badoy

Librairie des Cordeliers (Romans-sur-Isère)

Cédric Morgan est un auteur rare à qui nous devons déjà de somptueux romans tels que Le Bleu de la mer ou Oublier l’orage (Phébus). Une femme simple est une nouvelle démonstration de son talent.

Qui est Jeanne Le Mithouard, cette femme à l’envergure, au caractère et au charme démesurés, disparue en 1842 et qui a donné son nom à une impasse d’un petit port du Morbihan ? Cédric Morgan lui redonne vie dans un texte pétri de douceur et de délicatesse. Au rythme des messes, des tempêtes et des fêtes de villages, sur la grève et les sentiers, Jeanne choisit seule les chemins qu’elle doit prendre, sans arrières-pensées. Elle écoute le vent, parle aux statues et aux aubépines, mais travaille comme personne, comme aucun autre homme du village. Tous regardent cette femme habillée de sa vareuse passer des champs aux embarcadères sans la moindre plainte. Les remarques vont bon train et les sourires dissimulés trahissent l’incompréhension que suscite La France, comme on l’appelle par ici. Héroïque quand elle sauve à bout de bras un père et son fils du naufrage, elle est aussi une femme qui se dépasse en permanence et une mère qui travaille, assistant son marin d’époux retenu loin des siens par des campagnes de pêche toujours plus longues. Cédric Morgan dessine le portait d’une icône éminemment moderne, qui a su faire fi des vents contraires, des marées et des moqueries pour rester d’une simplicité folle, comme l’est le style de l’auteur, qui partage avec son héroïne le charme attachant de la discrétion. Conte poétique, ce roman est aussi le prétexte à voguer d’îles en caps, de ports en golfes, au gré des courants et des marées aux côtés de Jeanne la batelière, qui se voit finalement offrir un petit rien d’éternité. Ce roman le confirme : Cédric Morgan est un grand écrivain.