Littérature

Collectif

PAGE des libraires 225 - Printemps 2024

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photo libraire

Chronique de Pauline Régnacq

Librairie Le Failler (Rennes)

Il n’est pas toujours aisé de franchir les portes d’une librairie. La profu-sion de livres peut-être réjouissante mais aussi très impressionnante. Des peurs enfouies se révèlent parfois. Celles de se sentir stupide, jugé, ignorant, celles de ne pas savoir. Ces angoisses peuvent être difficiles à vaincre mais, il faut le répéter, les libraires et les librairies sont en fait là pour accomplir une mission fantastique : celle de trouver le bon livre pour la bonne personne. Ni pour juger, ni pour mépriser.

Chaque jour, des libraires lisent avec passion. Chaque jour, ils se réjouissent à la pensée de la personne à qui ce roman, cette bande dessinée, cet essai, correspon-dra indubitablement. Parfois, ils se trompent. Parfois, ils tombent tout à fait juste. Mais ils essaient, toujours : le bon livre pour la bonne personne. Avec le Covid-19, de nouvelles personnes sont arrivées en librairie. Parfois hésitantes, intimidées. Des personnes qui disaient ne plus lire et qui vou-laient s’y remettre. Des hommes, des femmes qui se sentaient peut-être un peu honteux, comme pris en faute. Pourtant, quoi de plus réjouissant pour un libraire ? Quel plus beau défi ? Les bouleversements du monde, les menaces internationales, les multiples combats sociaux ont aussi poussé de nombreuses personnes à franchir les portes d’une librairie. Lorsque tout semble aller trop vite, trop mal, alors il faut comprendre. Des livres sont dévorés pour revenir à la racine de conflits, pour poser des mots et du sens à des catastrophes qui semblent parfois n’en avoir aucun. Dans Hori-zons climatiques, les bédéistes Xavier Henrion et Iris-Amata Dion mettent ainsi à la portée du plus grand nombre les rapports du GIEC. Emmanuel Carrère s’assoit sur le banc d’une cour de justice pour assister au procès des terroristes du Bataclan dans V13, récemment paru en Folio. Face à la peur, lui aussi veut comprendre. Les portes d’une librairie sont égale-ment grandes ouvertes pour les personnes qui désirent s’évader. Lorsque tout semble aller trop vite et trop mal, parfois il faut aussi parvenir à faire une pause. Marie Charrel nous prend alors par la main pour nous plon-ger dans les forêts canadiennes de son si beau Les Mangeurs de nuit. Tan-guy Viel rompt avec l’urgence dans les fragments de vie de Vivarium. Des polars suspendent notre souffle pendant quelques heures, des beaux livres nous émerveillent, des bandes dessinées nous fascinent, des romans nous émeuvent aux larmes. Dans ce numéro de printemps encore, il y aura le bon livre pour la bonne personne.