Jeunesse Dès 14 ans

Anne-Laure Bondoux

Nous traverserons des orages

illustration
photo libraire

Chronique de Élise Chaverot

Librairie Mots et Merveilles (Sainte-Foy-l'Argentière)

Après L’Aube sera grandiose, Anne-Laure Bondoux explore à nouveau le thème de la filiation, cette fois-ci au masculin et sur plusieurs générations. Nous traverserons des orages est une formidable fresque historique qui nous entraîne sur les traces d’un siècle tourmenté et d’hommes écorchés.

1914. Tandis que la France s’apprête à entrer dans un conflit qui inaugure de sombres décennies, la famille Balaguère travaille aux champs et prépare la fête estivale. À la ferme des Chaumes, depuis toujours, la vie suit son cours au rythme des saisons. Ici, on aime « ce qui vient d’en bas, ce qui est solide et ce qui pousse ». Les hommes de la famille se transmettent donc, en plus de leur terre, des prénoms aux consonnances arborées, rappelant la force et la tranquillité des bois et des prairies entourant la ferme. Mais au loin la guerre éclate et le fils aîné part au front. L’orage approche. Le conflit est loin, pourtant la violence surgit aux Chaumes tel un coup de tonnerre que l’on n’aurait pas vu venir. Un homme meurt. Un secret apparaît, immédiatement enfoui au fond de la campagne, de l’autre côté du ruisseau, au Creux du Renard. Plus tard, un enfant naît : ce sera le premier d’une lignée d’hommes qui traverseront chacun leur tour les turbulences du XXe siècle. Ils seront quatre à ponctuer de leur naissance l’histoire mouvementée de cette famille : Charme, Aloès, Olivier, Saule, fragiles branches d’un arbre affaibli par ses secrets et qui peine à s’élever. Le récit des Balaguère est relaté par l’un d’entre eux : il retrace les grands événements de leur existence et y inscrit le destin de ses aïeux. Petites destinées et grande Histoire se font écho, l’intime se mêlant aux remous d’une société qui va de conflits en nouveaux défis. Anne-Laure Bondoux nous livre un grand roman, aux personnages complexes et attachants. Elle nous invite à les voir grandir, depuis leurs réflexions d’enfants jusqu’à leurs rêves de jeunesse et leurs désillusions. Elle nous rappelle qu’il n’y a pas une seule recette pour faire un homme mais que chacun hérite d’une histoire, de secrets et se construit au gré des événements. Avec un souffle narratif délicat et puissant, elle nous entraîne dans le flot de l’Histoire, jalonnant son texte de repères chronologiques et nous questionne sur la manière dont les événements passés ruissellent sur notre société et sur les générations suivantes. Comment surmonter le déracinement quand on a 20 ans et que l’on vous envoie faire la guerre ? Comment faire face à la violence des hommes ? À celle d’un père ? Combien de générations faut-il pour effacer les fantômes du passé ? Loin de nous donner une leçon, ce roman joue avec nos émotions et ouvre de nombreuses pistes de réflexion. Laissez-vous porter par ce texte, par la plume vive et poétique d’Anne-Laure Bondoux, par les douces illustrations de sa fille Coline Peyrony. Laissez-vous porter par les hommes et les femmes fascinants qui peuplent ce roman et vous traverserez les orages.