Quentin Blake aura bientôt 90 ans ! L’occasion pour les éditions Gallimard de nous présenter deux beaux livres célébrant cet illustrateur anglais aussi génial que prolifique. Le premier, Le Livre de Quentin Blake par Jenny Uglow est une rétrospective passionnante de son œuvre quand le second, Les Pieds dans l’eau, nous propose des séries de dessins de cet immense artiste, des plus loufoques aux plus angoissants.

Dans sa préface pour Les Pieds dans l’eau, Catherine Meurisse salue d’abord l’incroyable liberté du Britannique et ses « pas de côtés ». Blake griffonne, déborde… il s’autorise tout et permet à toute une génération de dessinateurs de s’emparer de cette même audace. Créer, c’est oser ! Faussement griffonnés, d’apparence désordonnés, ses dessins sont énergiques et malicieux, son style vif et direct cache un sens particulièrement aigu du détail. Avec son style caractéristique, Quentin Blake est devenu un pilier de l’illustration jeunesse britannique et mondiale et a reçu de nombreux prix et récompenses. Ses personnages, éminemment sympathiques, participent à créer une œuvre appréciée de tous. Sa longue collaboration avec Roald Dahl (mais pas que !) a donné un visage à Charlie (Charlie et la chocolaterie), au B.G.G (Le Bon Gros Géant) ou encore à James (James et la grosse pêche), des personnages d’exclus qui parviennent, à force de courage et d’ingéniosité, à accomplir leurs rêves. Les héros de Blake, des êtres souvent décalés voire marginaux, parfois précaires, débordent de bonté. L’imagination et l’écologie marquent une œuvre où les personnages s’entraident, bricolent, luttent pour acquérir liberté et indépendance. Ses dessins sont peuplés de volatiles en tout genre, de machines improbables et la nature n’est jamais bien loin. Mais ‒ et c’est un des apports de ces livres ‒ le travail de Blake ne peut se résumer qu’à la littérature jeunesse. Ses personnages paraissent parfois grinçants, menaçants ou terriblement émouvants comme dans le déchirant Quand je suis triste (écrit par Michael Rosen). La série Pensées nocturnes (que l’on retrouve dans Les Pieds dans l’eau) nous dévoile un Blake beaucoup plus sombre. L’illustrateur a par ailleurs longtemps dessiné pour des magazines, signant couvertures et strips à un rythme effréné. Il a également signé de nombreuses couvertures de grands classiques dans des éditions de luxe proposées par la Folio Society et expose régulièrement son travail. Engagé dans diverses associations de bienfaisance, le Britannique est un illustrateur qui tente de rendre l’art visible à tous et à toutes en dessinant d’immenses fresques dans les rues ou dans les couloirs d’hôpitaux. Deux livres donc, pour découvrir toutes les facettes de Quentin Blake, de son obsession pour les oiseaux à ses angoisses perceptibles mais rapidement atténuées par la loufoquerie sympathique de ses personnages. Au-delà de la démonstration de son talent, ces ouvrages permettent de nous faire percevoir la cohérence d’une œuvre animée par un humanisme profond et salvateur. Bon anniversaire, Quentin Blake !