Bande dessinée

Nina Bunjevac

Heartless

photo libraire

Chronique de Bruno Moulary

Librairie Le Cadran lunaire (Mâcon)

Les sept courtes histoires qui composent Heartless sont toutes des portraits de femmes (Selma, Nora, Zorka, Fay, etc.) dont les horizons semblent irrémédiablement voués à buter contre la brutalité de leur environnement. Les récits oscillent sans cesse entre dérision et émotion, comme l’illustrent les chevelures sculpturales de ces personnages féminins ou leur stylisation sur le mode du cartoon – comme cette Zorka, personnage mi-humain, mi-félin. Parfois tendres amoureuses, à d’autres moments femmes flouées, puis vengeresses féroces, les héroïnes de Nina Bunjevac sont à l’image de la vie. L’auteure déploie dans son travail la même dichotomie que dans ses récits. Sous son trait, ce qui pourrait être vulgaire devient admirable. Nina Bunjevac ne renonce aucunement à représenter le sordide (scènes d'amour dans des toilettes, avortement, vomissements...), mais elle lui donne toujours cette précision qui neutralise toute complaisance, toute vulgarité. Cette déambulation en noir et blanc se termine par deux courts récits dans lesquels l'auteure aborde son histoire familiale, entre Canada et Yougoslavie. Treize pages très maîtrisées, parfois rongées de désarroi, toujours portées par l'émotion, qui rejaillissent sur l'ensemble de l'album.

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