Polar

Hervé Le Corre

Derniers Retranchements

illustration
photo libraire

Chronique de Christophe Dupuis

Pigiste ()

En dix textes, noirs à souhait, Hervé Le Corre explore le côté sombre de l’esprit humain d’une plume précise et magnifique, nouvelle et éclatante démonstration de son talent.

Hervé Le Corre est un écrivain rare, en particulier dans le genre des textes courts, domaine où il excelle pourtant. Il confie n’avoir « pas trop d’idées de sujets sur lesquels écrire et préfère les garder pour des romans ». À la lecture de ces nouvelles, on se dit que l’homme est quand même capable d’excellentes idées et qu’il sait composer des univers narratifs de première qualité. Mais si l’univers est vaste, il est sombre, ce qui n’a rien d’étonnant au regard de certains de ses romans comme Les Cœurs déchiquetés, par exemple. « Tenir », qui ouvre le livre donne le ton du recueil et « Se taire » le conclue de la même manière, noire, sans fioriture. Entre-temps, différentes tranches de vies et différents personnages qui pourraient tenir sous la maxime formée par les titres accolés des première et dernière nouvelles « Tenir et se taire ». On y croise des êtres écrasés par la vie, des victimes du chaos social, « des misères qui tuent bien plus que les massacres », écrit Hervé Le Corre d’une plume de toute beauté. Il y a là des ouvriers brisés par le licenciement, des parents totalement dépassés par les événements, des adolescents en état de rébellion avancé… Tout ce qui semblait tenir de façon précaire, il est vrai, se défait. Bien sûr, la lecture est assez éprouvante. C’est que de tels récits ne laissent pas indifférent, que l’on est la proie de tensions parfois insoutenables – je pense notamment au « Dernier jour ».