Bande dessinée

Catherine Meurisse

Moderne Olympia

illustration
photo libraire

Chronique de Enrica Foures

Librairie Lafolye & La Sadel (Vannes)

Futuropolis quitte momentanément les allées du musée du Louvre pour emprunter celles du musée d’Orsay en compagnie de Catherine Meurisse. Elle nous y explique qu’être un personnage de tableau n’est pas de tout repos. Entre superproductions et œuvres intimistes, Olympia tente maladroitement de trouver sa place sur une bonne toile…

Catherine Meurisse, bien connue pour être une des rares femmes à collaborer au journal satirique Charlie Hebdo, est aussi une fille très cultivée, passionnée de littérature et de peinture. Dotée d’un humour ravageur et corrosif, c’est elle déjà qui nous avait proposé une version drôlissime de l’histoire des arts et des lettres, déclarant sa flamme à ses Hommes de lettres chez Sarbacane (2008) avant de se promener sur Le Pont des Arts chez le même éditeur en 2012. Et encore avant cela, elle s’était fait remarquer en dépoussiérant un texte truculent d’Alexandre Dumas, Causerie sur Delacroix, paru au Drozophile en 2005. Bref, c’est avec plaisir que nous la retrouvons dans cet univers dont elle parle si bien, grâce à cette nouvelle et prometteuse collaboration entre le musée d’Orsay et Futuropolis. Quand Catherine Meurisse parle d’histoire de l’art, c’est amusant, passionné et passionnant. On ne s’endort donc jamais. Il en va de même pour ses personnages, qui, de notables personnalités de l’Histoire, deviennent, sous sa plume, acteurs on ne peut plus vivants des événements qu’elle raconte. C’est encore plus vrai dans Moderne Olympia : non contente de croquer les peintres et les écrivains, ce qu’elle fait avec un indéniable talent, les personnages sortent cette fois littéralement des tableaux, et elle imagine les artistes « castant » ces derniers comme des vedettes de cinéma. Littérature, arts plastiques, cinéma, le tout s’entremêle dans une folie maîtrisée et jouissive. Mais qui est donc cette fameuse Olympia ? Olympia, c’est la star du tableau peint par Édouard Manet en 1863. Rappelez-vous : une jeune fille étendue sur son lit, la main pudiquement posée sur son entrejambe, entourée d’un chat noir et d’une esclave noire portant un bouquet. Elle est entièrement nue, si ce n’est une chaussure à son pied gauche, un bracelet, une fleur dans les cheveux et un ruban noir autour du cou. Eh bien, c’est elle qui va nous faire découvrir les merveilles du musée d’Orsay et nous plonger dans l’éternelle querelle entre les « Anciens » et les « Modernes », qui prit la forme, cette même année, d’un Salon des Refusés auquel cette toile était destinée. Une guerre artistique personnifiée ici par Olympia (la « moderne »), en lutte contre Vénus (« le plus gros cachet sur pattes » de l’époque !), celle-ci allant même jusqu’à flirter avec un des copains de Vénus, Romain, personnage classique et « officiel » s’il en est. Voilà une manière on ne peut plus originale de représenter cette époque charnière ! Le nombre d’œuvres du musée d’Orsay illustrées dans Moderne Olympia est impressionnant et on peut s’amuser à essayer de toutes les retrouver, en même temps que les diverses citations littéraires qui se sont glissées dans le scénario. Ouvrage foutraque, ludique et cultivé, Moderne Olympia est surtout une bande dessinée hilarante et intelligente. À lire absolument !

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