Littérature étrangère

Antonio Garrido

Le Lecteur de cadavres

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photo libraire

Chronique de Jérôme Dejean

Librairie Les Traversées (Paris)

Après La Scribe, remarquable premier roman publié en 2009 aux Presses de la Cité, Antonio Garrido, nous revient avec Le Lecteur de cadavres chez Grasset. Après la Franconie en 799 à la veille du sacre de Charlemagne, nous voilà transportés dans la Chine impériale du xiiie siècle.

Est de la Chine, 1206. Le jeune Ci Song, issu d’un milieu modeste, voit ses espoirs d’étudier le droit dans la ville universitaire proche de son village natal anéantis par le décès de son grand-père. Tradition familiale oblige, il doit retourner travailler à la ferme de son frère. Une série d’événements dramatiques semblent s’acharner sur Ci Song et sa famille. Le voilà bientôt obligé de fuir son village avec sa petite sœur malade et de trouver refuge dans les quartiers populaires de la ville de Lin’an, capitale de l’empire. Le jeune homme est intelligent et plein de ressources, il décroche un poste de fossoyeur dans l’immense cimetière de la capitale, appelé les Champs de la mort. Ne maniant pas uniquement la pelle, Ci Song commence à révéler un talent qui étonne et effraie en même temps. Il sait discerner les causes d’un décès presque au premier regard. Peu à peu, ce « don » dépasse les frontières des quartiers populaires et celui que l’on surnomme le lecteur de cadavres commence à se faire une renommée. Alors qu’un nouveau malheur s’abat sur Ci Song, le professeur Ming, directeur de l’Académie prestigieuse qui porte son nom, l’accepte au sein de l’université. Malgré un destin des plus sombre, la chance semble enfin sourire au jeune homme. Il va enfin pouvoir parfaire ses connaissances aux techniques « médico-légales » et étudier comme il l’a toujours souhaité. La principale intrigue peut commencer. Ci Song est convoqué à la cour impériale : l’empereur lui-même a entendu parler de cette étonnante capacité. Une série de décès troublants accompagnés d’étranges mutilations laissent les autorités sans réponses. La cohésion de l’empire et jusqu’au pouvoir de l’empereur semblent vaciller. Ci Song est chargé de résoudre ce mystère contre la promesse d’une promotion impensable pour un jeune homme de condition modeste. En revanche, s’il échoue, c’est la mort. Assoiffé de justice et de vérité, il se lance dans une enquête effrénée, mais les intrigues et les jeux de pouvoir menacent de faire échouer ses tentatives… jusqu’à l’ultime révélation. Le Lecteur de cadavres est un roman historique. Un roman d’aventure doublé d’une solide intrigue policière. Il est impossible de ne pas penser aux célèbres enquêtes du juge Ti nées sous la plume d’un diplomate hollandais, Robert van Gulik, au cours des années 1960. Mais six siècles séparent les deux figures. Le juge Ti œuvrait au viie siècle et c’était surtout sa force de déduction qui lui permettait de résoudre les affaires. Song Ci a également existé, mais au xiiie siècle. Il est souvent considéré comme le « père » de la médecine légale. Il a écrit un ouvrage, Cas collectés d'injustices réparées, dans lequel il établit les bases et les techniques qui sont encore aujourd’hui utilisées par les « Experts » de Miami, Pékin ou Paris. C’est à un voyage dans le temps qu’Antonio Garrido nous invite, sur les pas d’un homme passionné et intègre. Il nous plonge également dans les arcanes d’une science qui en était alors à ses balbutiements.

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