Littérature française

Thomas Snégaroff

La Conspiration

✒ Guillaume Chevalier

(Librairie Mot à mot, Fontenay-sous-Bois)

Voici l’histoire d’un chapitre méconnu et glaçant de l’histoire américaine : la tentative de coup d’État fomentée par une caste de financiers de Wall Street pour renverser le président Franklin D. Roosevelt, jugé trop socialiste.

États-Unis, 1933. Jugeant le New Deal de Roosevelt contraire à leurs intérêts financiers, de puissants magnats de Wall Street fomentent un coup d’État. Ils tentent de recruter le général Smedley Butler, héros populaire, pour mener une armée de vétérans sur Washington et y installer un régime fasciste. Relatant des faits historiques réels, La Conspiration met en lumière, avec une précision implacable, les manœuvres d'une élite financière cherchant à contrecarrer la politique de relance économique du président en privilégiant l'usage de la force au processus démocratique. Via une narration polyphonique virtuose et une documentation solide, Snégaroff excelle à faire s'entrechoquer les mondes : l’arrogance glaciale des ploutocrates de Wall Street, dont les monologues suintent l'antisémitisme et le mépris de classe, contraste avec la dignité bafouée des vétérans de la Bonus Army, chair à canon d'hier, laissés pour compte d’aujourd’hui. Au centre du complot se dresse la figure complexe du général Smedley Butler. Archétype du soldat patriote, il est la véritable conscience morale du roman. Snégaroff ne le dépeint pas en héros monolithique, mais en homme pétri de contradictions, qui se décrit lui-même comme un ancien « gangster du capitalisme » en quête de rédemption. Son parcours, de l'obéissance aveugle à l'insurrection civique, incarne le cœur du drame : la loyauté au drapeau peut-elle justifier la trahison de la République ? Plus qu'une reconstitution, La Conspiration est une fable politique sur la perversion des idéaux. En montrant comment le patriotisme et le désarroi des anciens combattants ont failli être instrumentalisés par des intérêts privés. Thomas Snégaroff signe une œuvre dense et nécessaire. Il nous rappelle que la bataille pour la démocratie n’est jamais définitivement gagnée.

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