Littérature française

David Foenkinos

Charlotte

photo libraire

Chronique de Olivier Badoy

Librairie des Cordeliers (Romans-sur-Isère)

Charlotte Salomon fait partie du quotidien de David Foenkinos depuis pas mal d’années, depuis cette exposition où, face à l’œuvre de cette artiste, il s’est trouvé confronté à sa part secrète. Près de dix années auront été nécessaires à la maturation de ce livre, enfanté au terme de patientes fouilles intimes et d’une enquête personnelle sur les traces de l’artiste. Enfant mélancolique et solitaire, souvent « en vacances d’elle-même », fine connaisseuse des allées du cimetière où sa tante et sa mère reposent, jeune fille sauvage et introvertie, Charlotte Salomon est une artiste précoce et surdouée, admise à l’Académie des Beaux-Arts de Berlin alors que seulement 1 % de juifs étaient autorisés à s’y inscrire. Elle connaîtra la frustration suprême de se voir refuser le premier prix et sera forcée de grandir sur un mensonge familial. La peinture lui offrira néanmoins la possibilité de se reconstruire en redistribuant les rôles. Parce qu’à cette époque, il ne s’agissait pas seulement de survivre à ses propres démons, mais également à ceux du monde entier. La haine est là, partout, il faut fuir ou se cacher. Seul Alfred ou Alexander lui offriront les parenthèses qu’elle était en droit d’espérer. Mais les cachettes ne protègent pas de la délation. Comment ne pas lire Charlotte ?

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