Littérature française

Sabri Louatah

404

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Chronique de Élodie Bonnafoux

Librairie Arcanes (Châteauroux)

Sabri Louatah a tapé un grand coup dans le paysage littéraire français avec Les Sauvages, parus entre 2012 et 2014 (Flammarion), et adaptés par Canal+ sous forme de série. Il récidive avec 404, un implacable thriller technologique et sociétal.

Allia est une jeune femme brillante, d'une beauté hors normes, issue de l'immigration et originaire d'un petit village de l'Allier. Ali, son copain de prépa littéraire devenu cuisinier, aura passé sa jeunesse à contempler l'inatteignable astre Allia. Khader, non moins amoureux de la belle, s'est lui exilé aux États-Unis pour faire fortune et a réussi son pari dans des proportions indécentes. Mehdi, le mari d'Allia, est médecin de campagne, élu dans le village natal de son épouse, La Brèche. Nesrine, la sœur de Mehdi, est une influenceuse voilée et bruyante. Tous les protagonistes de ce roman ont en commun une origine maghrébine mais chacun a une façon bien différente de vivre cette identité métissée et complexe dans une société française au regard parfois ambigu. Quand, dans un futur très proche, une technologie vidéo donne la possibilité à n'importe quel geek de produire des montages parfaitement réalistes (les « mirages »), même les experts ne peuvent plus distinguer les vidéos authentiques des fakes et autres images truquées, avec les conséquences que l'on peut imaginer sur la vie médiatique. Allia invente alors 404, une application qui ne diffuse que du direct, impossible à copier ou à enregistrer. Les grands de l'audiovisuel français, campés dans des certitudes douteuses, refusent de s'intéresser à cette nouvelle technologie. C'est donc depuis l'Allier que 404 va commencer son développement, faisant de ce département et du bien nommé village de La Brèche, un autre centre de la France. Sabri Louatah questionne ici avec beaucoup d'acuité l'identité « rebeuh » et sa place dans la France d'aujourd'hui. Ce faisant, il nous sert un redoutable thriller technologique et pousse jusqu'au bout la logique mortifère d'une société où l'image a remplacé la raison.