Bande dessinée

Daniel Blancou

Retour à Saint-Laurent des arabes

illustration
photo libraire

Chronique de Mélanie Andrieu

Librairie Cultura (Aubagne)

2012 marque la commémoration des cinquante ans des Accords d’Évian et la fin de la guerre d’Algérie. À cette occasion, Delcourt publie deux histoires complètes de qualité, narrées avec sérieux et précision. L’une se concentre sur les prémisses de la guerre, l’autre sur ses injustes conséquences.

Leçons coloniales nous plonge dans l’Algérie du début de l’insurrection. Le dessin de Djillali Defali porte le scénario d’Azouz Begag, qui retrace la vie de ses parents à Sétif avant les événements du 8 mai 1945. Marie Delmas, institutrice, arrive de métropole pour prendre son premier poste. Elle souhaite poursuivre le projet de son père de promouvoir la scolarisation de tous les enfants : un combat difficile au cœur de Sétif qui s’échauffe. Les protagonistes, tels les jeunes Amor et Fatma, épris de liberté, évoluent dans un contexte compliqué où la tension se développe dans les humiliations des colons français, le développement du Parti Populaire algérien et la misère quotidienne. L’expulsion de Messali Hadj (fondateur et chef du PPA) entraîne émeutes et appels à la révolte pour réclamer l’indépendance. La victoire des Alliés contre les nazis marque le début de l’insurrection. À Sétif s’enchaînent violence et répressions qui mèneront à la guerre. Le second ouvrage, Retour à Saint-Laurent des Arabes, revient sur l’histoire des harkis réfugiés en France et restitue les témoignages des parents de l’auteur, Daniel Blancou. Ces derniers ont été instituteurs dans le camp militaire de Saint-Maurice-l’Ardoise, situé à Saint-Laurent-des-Arbres dans le Gard, péjorativement appelé « Saint-Laurent-des-arabes ». Arrivés en 1967, ils y passent neuf années jusqu’à la révolte qui mènera à la fermeture du camp. Peu informés des événements algériens, ils sont nommés à ces postes sans connaître la détresse des harkis qui ont fui les massacres et se retrouvent parqués dans ces camps. Si le rude quotidien leur a permis de mieux connaître les familles et leurs coutumes, ils regrettent avec le recul de ne pas avoir mesuré l’ampleur des souffrances des populations. L’alternance du passé et du présent rythme le récit au plus près de ce qui fut leur histoire. Daniel Blancou choisit un graphisme simple et efficace qui sert bien son propos. Documenté, il apporte un grand soin à la reconstitution des lieux et à l’histoire du camp. Son ouvrage répond au besoin de reconnaissance des harkis et confirme son talent. Ces récits posent deux regards complémentaires sur la guerre d’Algérie, thème finalement peu développé en bande dessinée. Les témoignages présentés contribuent à mieux comprendre et ravivent les mémoires.