Bande dessinée

Lorenzo Mattotti , Antonio Tettamenti

Les Aventures de Huckleberry Finn

illustration
photo libraire

Chronique de Didier Courtade

Bibliothèque/Médiathèque André Labarrère (Pau)

Lorenzo Mattotti publie Les Aventures de Huckleberry Finn, adaptation de l’une des plus grandes œuvres de la littérature américaine, en Italie en 1977. Cet ouvrage, qui lui vaut à l’époque une reconnaissance nationale, est édité pour la première fois en France dans un format à l’italienne colorisé.

Il y a plus de trente ans, un éditeur propose à Mattotti d’illustrer le livre de Mark Twain. Pour ce faire, il s’adjoint les compétences d’Antonio Tettamanti, scénariste et grand amateur de littérature américaine. Ils cherchent pour cette réécriture un rythme linéaire cohérent, respectant l’ambiance de voyage et d’aventures fluviales. Leurs recherches documentaires s’orientent vers le Mississippi, fil conducteur du roman, et sur une « Amérique miséreuse, paysanne, faite de boue et d’eau », peuplée de personnages poilus et grotesques portant en sautoir de lourds revolvers et sur la tête de grands chapeaux. Si la publication est un succès qui permet à l’album de remporter de nombreux prix et de faire connaître le talent de son auteur en Italie, Mattotti considère que « l’absence de couleur, un noir et blanc encore maladroit et la dimension des cases, représentaient des obstacles à une éventuelle réédition ». Les portes de l’Europe s’ouvrent en 1982 avec le Signor Spartaco, début de ce voyage intérieur qui l’accompagnera durant toute sa production ultérieure. L’univers polymorphe et coloré de ses rêves éveillés explose littéralement avec Feux, accueilli en 1984 comme un événement dans le monde de la bande dessinée et le consacrant au niveau international. Devenu un grand nom de l’illustration contemporaine, il n’est pas interdit de penser que ses expériences récentes sur le noir, Peur(s) du noir et Hansel et Gretel, ne l’aient ramené vers cette œuvre de jeunesse qu’est Huckleberry Finn dans le but de la reprendre. L’auteur constate que « la possibilité de coloriser à l’ordinateur » et « l’organisation du format des pages à l’horizontale » révèlent un souffle et une ampleur nouvelle aptes à vivifier le récit. L’obstacle d’une réédition est levé et l’œuvre paraît aujourd’hui pour la première fois en France, se superposant à celle de Twain. Nous redécouvrons les aventures de Huck Finn, en fuite pour ne pas vendre son âme à ceux qui lui veulent du bien (ou du mal), et de Jim l’esclave, en fuite pour ne pas être vendu. Les deux garçons descendent ce Mississippi dont les rives sont peuplées de bandits, d’escrocs et de chasseurs de primes. Huck réalise qu’il aide un « nègre » à obtenir sa liberté, un « nègre » qui lui prodigue de telles attentions fraternelles qu’elles forcent le respect. Sa découverte en Jim d’un homme semblable à lui marque une étape importante dans l’éveil de la conscience antiraciste américaine.


Nous retrouvons avec les qualités de l’adaptation de Mattotti les émotions rencontrées à la lecture d’un roman extraordinaire.