L’histoire de la natation française retiendra quelques grands noms, comme celui d’Alfred Nakache qui connut la gloire des podiums et l’enfer des camps de concentration nazis. Pierre Assouline, de l'Académie Goncourt, raconte son destin hors du commun dans Le Nageur, un roman biographique captivant.

Né en 1915 à Constantine en Algérie, dans une famille juive de onze enfants, Alfred Nakache n’est dans un premier temps pas destiné à sa carrière de nageur olympique : il ne sait pas nager et est terrorisé par l’eau. Il apprendra sur le tard et nagera d’abord sans aucun style avant d’être repéré et pris en main par un entraîneur qui voit en lui ses capacités. Avec le temps, Nakache qu’on surnomme Artem s’améliore et s’approche des podiums, jusqu’à participer aux jeux olympiques de Berlin en 1936, en pleine propagande nazie, où il choisira de baisser la tête quand d’autres lèveront le bras. En 1939, alors qu’il vient fraîchement de terminer ses études et d’obtenir un poste de professeur d’éducation physique à Paris, la guerre éclate. Paradoxalement mis en avant par le régime de Vichy pour vanter la condition sportive, l’athlète juif devra s’exiler à Toulouse en zone libre avec femme et enfant afin de pouvoir continuer à nager, mais ne pourra plus enseigner à cause des lois antisémites. Arrêté en 1943 avec sa femme et sa fille, ils sont déportés à Drancy puis à Auschwitz où on les sépare dès leur arrivée. Grâce à sa condition physique, Nakache réussit à survivre à ses deux ans d'internement et d'exode, avant d'être libéré par l'armée russe et renvoyé en France où tout le monde le croyait mort. Malgré l'épreuve de la déportation qui l'a marqué physiquement et mentalement, il a rapidement retrouvé les bassins pour décrocher de nouveaux titres de champion de France, comme pour défier l'Histoire. Avec le talent qu’on lui connaît, Pierre Assouline nous offre un roman historique et biographique fascinant et richement documenté sur un homme au destin aussi tragique qu’incroyable.