Littérature française

Tiffany Tavernier

En vérité, Alice

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photo libraire

Chronique de Catherine Le Pape

Librairie Librairie & Curiosités (Quimper)

Elle est tombée. Elle a reculé sur le carrelage glissant, quelle idiote ! Elle aurait dû choisir de reculer sur la moquette. Elle ne serait jamais tombée. Quelle imbécile, elle a eu cette réaction vraiment stupide. Tout est de sa faute, évidemment. C’est ce qu’explique Alice au médecin qui l’ausculte après sa chute. Mais devant quoi, devant qui a-t-elle reculé ?

Alice vit sous emprise. Tout est dit dès les premières pages. Elle est complètement dépendante de son compagnon. Pour lui, elle a quitté famille, amis, ville. Peu importe car il est le seul à la comprendre, à l’aimer. Et elle seule pourra l’aider à sortir de son alcoolisme, de sa violence, de son passé très difficile. Alice se ment pour fuir une réalité qui fait trop mal. Quand le travail se fait instable la faute du nouveau patron, la pression… ‒, il s’absente, revient saoul puis la somme de trouver un travail, mais pas un travail de pute comme serveuse. Alors Alice arrive presque par hasard au diocèse de Paris. Alice ment à son entretien d’embauche : elle est athée et n’a aucune connaissance religieuse. Elle aura pour mission de trier les dossiers constitués par un postulateur qui seront examinés par la congrégation pour la cause des saints. La mission est complexe et Alice totalement novice. Alice ment à ses collègues pour ne pas déjeuner avec elles. Le fonctionnement du bureau et du classement des dossiers est abscons : un promoteur de justice qui pose des questions, un notaire qui prend note, des experts historiens, théologiens… Elle va plonger dans ce travail titanesque qui va peu à peu lui permettre de se révéler. Qui est-elle, en vérité ? Tiffany Tavernier nous plonge dans une exploration captivante de l'emprise toxique au sein d'un couple. Le récit, porté par la voix d'Alice, révèle les subtilités insidieuses d'une relation où chaque aspect de sa vie est minutieusement contrôlé par son compagnon. Alice doit quotidiennement se prendre en photo, à un horaire précis, à un endroit précis. L'auteure peint un portrait poignant de l'aliénation psychologique et capture avec précision les émotions complexes d'Alice. La tension narrative monte crescendo, créant une atmosphère oppressante qui reflète parfaitement le climat délétère de la relation. En vérité, Alice est bien plus qu'un simple récit sur l'emprise. C'est une plongée profonde dans le cerveau d'une femme qui découvre la véritable nature de son existence. C'est une exploration subtile et percutante des thèmes de l'emprise, de la folie et de la croyance. C'est un roman poignant qui laisse une empreinte durable.