Littérature étrangère

Joseph Boyden

Dans le grand cercle du monde

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photo libraire

Chronique de Blandine Vincent

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Dans le grand cercle du monde est une passionnante fresque historique prenant pour cadre l’Amérique du xviie siècle. À la demande de Champlain, gouverneur de Nouvelle France (futur Québec), des jésuites débarquent afin d’évangéliser les Indiens. But de la manœuvre : s’assurer la docilité de ces turbulents guerriers.

Joseph Boyden, auteur du Chemin des âmes (Le Livre de Poche, 2008), revient dans ce roman sur l’histoire de ses ancêtres indiens, dont le destin fut marqué par de très nombreux combats afin de pouvoir conserver leurs traditions et sauver leur mode de vie. Œil pour œil, dent pour dent, telle était leur devise. Pourtant, sous cette apparente férocité se cachaient des hommes d’une grande sagesse, vivant en harmonie avec leurs dieux et la nature. Les Hurons Oiseau et Renard, Chutes-de-Neige, Dort-Longtemps, Porte-une-Hache, Petite-Oie… sont, avec les missionnaires, les héros de ce roman foisonnant. L’histoire commence avec l’arrivée du père Christophe qui, en route pour sa mission, est enlevé par une tribu et torturé sans raison. Au même moment, un combat fait rage entre guerriers indiens au cours duquel un grand chef n’hésite pas à massacrer ses adversaires pour s’approprier une gamine, ultime étape d’une vengeance longuement préméditée. Les vainqueurs, fiers de leurs prises, rentrent chez eux. Puis Chutes-de-Neige, la petite fille enlevée, est adoptée par le chef. Elle n’aura désormais qu’un seul désir : retrouver les siens. Douée d’un fort caractère, elle s’affirme par la violence et la ruse, jusqu’à couper un doigt à son protecteur avec une pierre aiguisée alors qu’il dort ! Au cours des années qui vont suivre, elle s’intègrera malgré tout à sa nouvelle famille, notamment grâce à Petite-Oie, la vieille guérisseuse. Quant à Corbeau – père Christophe –, qui a survécu aux sévices qu’il a subis, il est relégué dans une cahute sordide située à la lisière du village. Ses prières incessantes, sa foi inébranlable, sa persistance à vouloir faire de ces « sauvages » de bons chrétiens alors qu’ils ne demandent rien d’autre que de vivre sur leurs terres selon leurs coutumes et traditions, vouent le prêtre à l’isolement. Il doit en plus lutter contre la malnutrition, les épidémies, le mal de son pays, la solitude et… persévérer dans sa mission d’apporter la bonne parole auprès de ses hôtes. Il acceptera les pires souffrances et ira jusqu’à donner sa vie, comme le Christ, pour – croit-il – sauver ses frères indiens. Il fallait aux missionnaires venus d’Europe une énorme dose d’ignorance et de candeur pour venir affronter de si féroces païens… L’écriture de Joseph Boyden est d’une richesse incroyable. Il réussit à dépeindre avec beaucoup de virtuosité une nature grandiose et ceux qui y vécurent longtemps en harmonie. La force du roman réside aussi dans sa verve épique et les récits de batailles, entre tribus adverses comme entre Indiens et conquérants venus d’au-delà les océans.