Jeunesse

Vincent Villeminot

Une famille « presque » normale

L'entretien par Mélanie Blossier

Librairie Doucet (Le Mans)

Alors que les rayons ados des librairies fleurissent de dystopies et de romans dans la veine de John Green, Vincent Villeminot a préféré l’humour pour son histoire presque autobiographique de zombies, qu’illustre Yann Autret. Relançant le genre des romans humoristiques, il nous offre une bouffée d’oxygène hilarante ! Les personnages créés par l’auteur nous ont accordé un entretien. Rencontre avec une famille… pas tout à fait normale !

Page — Me voici en présence de Jul’, VanZan, TheoPaïle, MadoLoup, Sarouchka et Louve, les personnages principaux de Ma famille normale contre les zombies.
TheoPaïle (18 ans), vous êtes un geek drôle et surdoué que nous imaginons cependant très effacé et peu courageux. Mais votre rôle surprend le lecteur car vous devenez clairement le cerveau des opérations ! Comment expliquez-vous cette évolution alors que l’auteur aurait pu valoriser davantage sa narratrice ?
MadoLoup — Tu vois, papa, la dame trouve que tu ne m’as pas assez valorisée…
VanZan — Tais-toi, Jacqueline, on parle de ton frère, là…
TheoPaïle — Eh bien, il faut croire qu’il n’y a pas besoin d’être courageux pour être un bloody brain… Mais je pense que vous vous trompez, je ne suis pas surdoué, juste parfaitement adapté à la situation d’un point de vue encyclopédique. En théorie, je sais parfaitement comment on doit organiser un siège, tuer des modafuqa zombis, fuir les forces obscures crypto-gouvernementales et faire triompher le bien. En pratique, en revanche…
VanZan — Si vous lisez attentivement les dessins, vous constaterez qu’il ne tue jamais personne et s’automutile constamment, cet imbécile.
Sarouchka —
Sic transit gloria mundi (« Ainsi passe la gloire du monde »).

Page — Sarouchka (13 ans), justement… Je tiens à saluer votre culture littéraire et cinématographique, exceptionnelle pour votre âge. Vous citez Racine, Baudelaire, les Monty Python, Tolkien… Serait-ce une façon de séduire les lecteurs plus âgés ? Tentez-vous de familiariser les plus jeunes avec la littérature classique ? À moins que ceci ne soit parfaitement innocent, mais pour le moins futé ?
Sarouchka — Innocent ou futé ? Ma foi, j’ai beau être une héroïne de série B, j’admire tous ces grands textes – et « Il y a une innocence dans l’admiration », disait Friedrich Nietzsche, que je cite abondamment dans l’ouvrage. D’ailleurs, saviez-vous que Friedrich Nietzsche est également le nom de l’escargot d’aquarium de Louve ? Étonnant, non ?

Page — Louve (5 ans), permettez-moi de vous dire que vous êtes le personnage le plus drôle du roman, aussi, je suis déçue que vous n’ayez pas plus de texte. Cependant, saluons Yann Autret qui a su vous mettre en scène avec talent à travers ses illustrations. C’est en partie grâce à lui que vous passez tant d’émotions dans vos scènes. Comme Louve-Zombie a peu de vocabulaire, que peut nous dire Louve sur cette expérience qui traumatiserait n’importe quel enfant de 5 ans ?
Louve-Zombie — Grrrrrrmmmbbblll. (Elle grogne, mais pour l’heure, elle est bâillonnée et ligotée.)
Jul — Désolée, il faudra attendre le deuxième tome pour voir si Louve retrouve l’usage de la parole. Quant à vous, si vous trouvez vraiment « drôle » de voir une petite fille de 5 ans souffrir de pulsions cannibales, il faut vous faire soigner.
Sarouchka — (tout bas) Excusez-la, elle est hargneuse quand elle n’a pas pris de petit-déjeuner…

VanZan — En attendant, effectivement, on ne peut qu’admirer le travail de Tonton Yann (Autret) sur ce bouquin. Il s’est retrouvé dans une situation singulière, puisque lorsqu’il est venu travailler son story-board chez nous, il a passé une semaine entouré de ses personnages (notre « famille normale », donc…), en chair et en os, et qui avaient tous leur mot à dire sur ses dessins. Pour un dessinateur, c’est une expérience assez angoissante. Du coup, pour ajouter un peu de mise en abyme, j’ai fait de lui un personnage dans le tome 2 (Ma famille normale contre les Yétis, à paraître en septembre). Si bien qu’il va devoir dessiner un personnage fictif (Tonton Yann) « écrit » par un personnage fictif (VanZan) qu’il dessine par ailleurs…
MadoLoup — Quelqu’un aurait un Doliprane©, s’il vous plaît ?

Page — Tiens, MadoLoup (16 ans)… À vous ! En tant que narratrice de cette histoire, l’auteur aurait pu faire de vous le personnage le plus charismatique. Pourtant, vous êtes une jeune fille qui aime la musique, qui rougit devant un chirurgien très charmant, vous êtes accro aux SMS (et au Doliprane©, donc, rapport au gilet orthopédique)… bref vous êtes une ado normale. Auriez-vous préféré un rôle moins crédible ou plus bad-ass (« dure à cuire »), si je puis me permettre ?
MadoLoup — Ma foi, je n’ai pas vraiment eu le choix. Avec un bras en moins, en pleine invasion zombie, il faut parfois faire profil bas. Mais dans le prochain volume, j’aurai une faux rétractable à cran d’arrêt, ce qui va faire de moi la bad-ass ultime, vous ne croyez pas ?
Sarouchka — Sauf que moi, j’aurai une cape !
Louve-Zombie — Grrrrrmmzzzzt.
VanZan — Un peu de silence, les filles !
L’auteur à MadoLoup — À mon avis, tu es déjà pas mal charismatique comme ça. Mais comme j’ai initialement écrit ce récit pour distraire la vraie MadoLoup sur son lit d’hôpital, il est normal qu’elle soit en un sens la moins caricaturale, la plus ressemblante de la bande. Ça tombe bien, il paraît que les lecteurs adolescents ont besoin de s’identifier…

Page — VanZan (41 ans) vous êtes également un « traîne-savates », euh un écrivain, pardonnez-moi, dont la description rappelle fortement celle de Vincent Villeminot, l’auteur du roman et donc votre créateur. Est-ce une de ses habitudes de mettre beaucoup de sa personnalité dans ses personnages ?
VanZan — Il faudrait le lui demander. Mais à mon avis, je ne pense pas. Je me suis même laissé dire qu’il choisit de publier en jeunesse précisément pour ne pas être tenté d’écrire sur lui (peut-être est-ce sa pente naturelle ?), mais plutôt sur d’autres et pour d’autres…