Littérature étrangère

Tiziano Scarpa

Stabat Mater

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photo libraire

Chronique de Yann Granjon

Librairie Sauramps Comédie (Montpellier)

L’Ospedale della Pietà était un orphelinat de jeunes filles où les plus talentueuses recevaient un enseignement au chant et aux divers instruments. Elles acquéraient alors une maîtrise dont la célébrité allait bien au-delà des murs de Venise. L’héroïne de ce roman, Cecilia, est l’une de ces jeunes filles sans famille élevées dans l’amour de Dieu et de la musique. Comme Venise s’enfonçant inexorablement et néanmoins sans cesse sauvée des eaux, Cecilia est dévorée de mélancolie et sombre à demi dans la folie, vacillant au bord d’un abîme auquel, tantôt elle aspire, tantôt elle tente d’échapper. Comme Venise encore, nourrie de beauté, d’art et d’une vie puissante dont la musique est ici le symbole, elle lutte dans sa chair et son esprit contre l’anéantissement. Elle a bientôt 16 ans. Chaque nuit ou presque, incapable de dormir, elle s’enfonce dans l’humide solitude de la Pietà pour aller parler à cette mère dont l’absence est en elle comme un gouffre. Les lettres sans réponses qu’elle lui écrit sont un appel à la vie. À cette inconnue qui ne la connaît pas, elle se confie, se raconte, s’interroge sur les raisons qui l’ont obligée à abandonner son enfant ; obsédée par la question de savoir si elle est morte ou de connaître la raison de sa fuite et de son abandon. Venu remplacer le vieux don Giulio, don Antonio est le nouveau maître de chapelle de la Pietà. Celui-ci redonne vie à la musique, l’ouvre à tous les horizons et la fait bientôt résonner dans l’Europe entière. À travers ce courant nouveau, la jeune fille découvre que le monde entier vibre en elle, paysages, éléments, choses, êtres, sensations et sentiments. Don Antonio, qui a vite déceler son talent exceptionnel, provoque Cecilia et la délivre de l’humeur noire et triste dont elle est prisonnière, laissant libre cours à l’élan de vie et de liberté qui l’entraînera bientôt vers le large.
Ombre et lumière se partagent ce beau portrait de femme, nourri de réflexions sur la musique et la beauté, dont la plus belle scène est sans doute celle où Cecilia, qui enseigne désormais aux cadettes, leur demande d’imiter le cri de l’hirondelle et du rossignol avec leurs violons.