Littérature

Eugène Savitzkaya

Exquise Louise

illustration
photo libraire

Chronique de Yann Granjon

Librairie Sauramps Comédie (Montpellier)

« J’aimerais faire cela pour beaucoup d’enfants, mais je ne connais pas suffisamment ceux des autres... » Après le très beau Marin mon cœur , Exquise Louise est le second volet du diptyque qu’Eugène Savitzkaya consacre à l’enfance.

« Elle fut conçue »

« Elle naquit »

Afin de bien comprendre comment les choses ont commencé, d’où elle est venue et dans quelles conditions, il convient de préciser certains points, comme le fait « qu’il y avait des fleurs aux arbres », que le lit était en pente, que, bien entendu, « des caresses furent échangées ». « Elle est Louise qui grandit dans le jour. », tout en pieds et en doigts, en cheveux, en yeux. « Louise est là. » On croise dans ces pages des mots et des objets mystérieux, des lieux magiques, un monde constitué d’une princesse et d’un tyran dont la vision des choses ne coïncide pas toujours, ce qui entraîne parfois quelques dissensions, sur l’usage auquel doivent être soumis les ciseaux par exemple, ou sur la juste façon de percevoir le temps – « Hier c’est déjà demain ? », demande Louise –, et un tas d’autres considérations qui s’avèrent rarement compatibles entre les deux personnalités. D’autres légères divergences apparaissent à la faveur de la germination des graines, de la pousse des cheveux, du délai de passage de la petite souris une fois tombée la dent de lait. Et des questions aussi, de nombreuses questions… Les certitudes ne font pas partie de Louise, même si elle sait parfaitement ce qu’elle veut, ou ne veut pas. « Et peu à peu, certains voletant, d’autres cheminant ou rampant sous terre, arrivent dans son jardin de nombreuses créatures qui toutes connaissent le cœur de Louise. » Notons aussi que Louise entretient des relations de proximité, parfois même d’intimité avec de nombreuses espèces animales, sauvages ou domestiques. Pendant que sur la terre se produisent à tout instant des événements, des découvertes capitales, pendant que Louise réinvente activement chaque jour le monde, les mots, eux, se cherchent, cherchent leur place, le ton juste, la musique adéquate pour raconter sa vie d’aventures et de mésaventures. Avec un sens aigu de l’observation, Eugène Savitzkaya construit un portrait en creux et en bosses. On sent que les univers de Brueghel ou de Bosch imprègnent l’imaginaire de l’écrivain, qu’ils innervent son sens de l’humour, son imaginaire, son rapport ludique aux mots. Quant à la réalité, Louise s’en charge !