Littérature étrangère

Wolfgang Herrndorf

Sable

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photo libraire

Chronique de Margot Engelbach

Librairie La librairie (Clermont-Ferrand)

Récompensé par un prix prestigieux lors de sa parution en Allemagne en 2012, Sable paraît en cette rentrée aux éditions Thierry Magnier. Un roman original et envoûtant.

Une chaleur écrasante ; une ville, Targat, en bordure de mer. Un homme, torse nu, les bras en croix, tape sur un jerrycan. Derrière lui, les montagnes et le désert, hostile et infini ; et une oasis qui sera tout sauf un havre de paix. En effet, un meurtre y a été commis. On est dans les années 1970, au Maghreb. Quelques Européens se sont retirés dans une sorte de communauté hippie. Ce jour-là, un fou fait irruption dans la maison, sa tentative de vol tourne mal et il tue l’un des membres de la communauté. Vite retrouvé, il est emmené au poste de Targat pour y être emprisonné. Dans le même temps, Helen descend du bateau qui l’a amenée des États-Unis telle une touriste de passage, avec sa petite valise et ses vêtements de lin blanc. Lundgren, impatient et suspicieux, attend son rendez-vous à la terrasse d’un café à l’autre bout de la ville. Quel est le lien ? Roman policier ? Non. Roman d’espionnage ? En partie. Roman d’aventures ? Un peu. Roman d’amour ? Pas vraiment. Sable est un roman inclassable. Si vous acceptez de plonger dans sa lecture, vous croiserez de nombreux personnages étranges, paumés et inquiétants. À l’image de Polidorio, flic marseillais muté dans cet endroit qu’il rêve de quitter, ou de son collègue Canisadès, le roi des petites embrouilles. Amadou Amadou, coupable vite désigné, Helen Gliese, Américaine travaillant officiellement pour une firme de cosmétiques, Lundgren / Herrlichkoffer agent double, ou encore Gourdjeff, gourou antipathique, complètent ce tableau. Et surtout, il y a Carl qui s’est réveillé amnésique un jour au milieu du désert avec une blessure à la tête. Il a été recueilli par une femme rencontrée dans une station service et sent qu’il a en sa possession une chose que d’autres recherchent. Une information ? Un objet ? Carl est celui auquel le lecteur s’identifie, autant perdu que nous dans ce foisonnement de récits. Nous l’accompagnons tout au long du roman dans la recherche de son identité et de la vérité. Aucun des personnages n’est digne de confiance. Ce livre n’a pas de héros. Et finit mal. C’est un ouvrage fascinant. Les paragraphes, assez courts, confèrent à l’ensemble un rythme enlevé, d’autant plus que l’on change souvent de narrateur et de point de vue. Wolfgang Herrndorf maîtrise parfaitement son récit, use avec brio d’un humour fin et bienvenu dans cette ambiance singulière. Le lecteur est manipulé de bout en bout. Il faut prendre cet ouvrage comme une expérience de lecture où l’on s’enlise petit à petit, tout en sentant la chaleur du désert nous gagner. Qui est Carl ? Cette question, obsédante, ne trouvera sa réponse qu’à la toute fin du récit et nous laissera l’agréable sensation de nous être fait avoir. Ce qui, avouons-le, n’arrive pas si souvent.