Littérature française

Philippe Djian

« Oh… »

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photo libraire

Chronique de Jean-Luc Aubarbier

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PRIX INTERALLIÉ

Le portrait d’une femme attachante, à la forte personnalité, qui veille sur les siens et leur évite les souffrances de la vie, tout en assumant des désirs un peu déjantés. Un vrai régal de lecture sous la plume d’un styliste raffiné et faussement dilettante.

L’unité de temps de ce roman court sur les trente jours de décembre. « Décembre est un mois où les hommes se saoulent, tuent, violent, se mettent en couple, reconnaissent des enfants qui ne sont pas les leurs, s’enfuient, gémissent, meurent… » Michèle, la narratrice, exerce au mieux son métier de productrice de films au sein de sa propre société, qu’elle gère avec Anna, sa meilleure amie. Autour d’elle, sa famille semble dériver et ne pouvoir subsister que grâce à sa bienveillance. Son ex-mari, Richard, scénariste raté, est toujours sous sa protection ; elle le rassure, le relance et l’aime comme un véritable ami à qui on passe tout. Vincent, leur fils, un être falot et immature, s’est amouraché de Josy, enceinte d’un trafiquant de drogue emprisonné. Malgré l’attitude intéressée et visiblement mal intentionnée de la jeune femme, Michèle l’accueille avec son bébé tout en essayant de préserver l’avenir de Vincent. Financièrement, Michèle assume chacune des dépenses de son petit monde, les loyers, y compris celui de sa mère, une vieillarde lubrique. Son seul refus : pardonner à son père condamné à la prison à perpétuité pour avoir massacré des enfants, et qui voudrait la revoir avant de mourir. Elle laissera partir seul celui qui a gâché son enfance. Ce n’est pas sa seule faille : elle vit une liaison ennuyeuse avec Robert, le mari d’Anna. Puis sa vie bascule en ces premiers jours de décembre, lorsqu’un inconnu masqué l’attaque et la viole chez elle. Elle cache ce drame à ses proches, s’épanche sur l’épaule de Patrick, ce voisin si attirant et si serviable, mais qui hésite à la séduire alors qu’elle ne demande que ça. Quand elle découvre que Patrick est son agresseur, à sa grande honte, elle continue de le désirer et accepte d’entrer dans une relation chaotique dont elle garde le secret. Après la mort de son père et de sa mère, et l’aveu de sa trahison envers Anna qui lui pardonne, Michèle peut conclure que les hommes ne sont peut-être pas indispensables et qu’une belle amitié féminine peut suffire au bonheur.