Littérature étrangère

Haruki Murakami

L’Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

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photo libraire

Chronique de Damien Rodriguez

Librairie Georges (Talence)

Après le succès de sa trilogie 1Q84 (Belfond, 10/18), Murakami renoue avec une narration plus intimiste en composant cette œuvre subtile et raffinée qui s’annonce déjà comme l’un des grands rendez-vous de la rentrée littéraire.

Tsukuru les avait rencontrés par hasard au lycée de Nagoya : deux filles et deux garçons. Comme si le destin les avait rassemblés, chacun d’entre eux portait un patronyme avec un nom de couleur. Chacun d’entre eux, sauf lui… Très vite, des liens incroyablement puissants se tissent entre les cinq jeunes gens, à tel point qu’ils deviennent inséparables. Au sein de leur petite communauté règne une harmonie parfaite qui semble inaltérable. Pourtant, un jour, l’impensable se produit. Sans recevoir la moindre explication, Tsukuru est brusquement banni par le reste du groupe. Dévasté par cet incompréhensible rejet, il bascule vers l’âge adulte imprégné d’une insurmontable mélancolie et se mure dans un isolement aride. Il s’efface du monde et se perd dans la transparence… Seize années plus tard, il rencontre Sara. À ses côtés, sa parole se libère et l’engourdissement de son âme se dissipe doucement. C’est elle qui le persuade d’éclaircir le mystère de cette mise à l’écart en retrouvant ses amis pour les interroger et conjurer définitivement cette zone d’ombre de son passé. Si le roman se fonde sur le récit de ce pèlerinage vers la paix intérieure, Murakami, tel un orfèvre, l’enrichit de détours poétiques, de narrations alternatives, flirtant avec le conte fantastique, naviguant avec élégance entre les personnages, jouant subtilement avec la temporalité. Le maître japonais renoue avec cette passion d’un univers teinté d’onirisme qui s’enlace dans le réel, jusqu’à en effacer les frontières, pour nous offrir une nouvelle démonstration littéraire de ce pouvoir fictionnel sur le monde, de cette infiltration poétique au cœur même de nos existences. Un texte magnifique dans sa justesse et sa simplicité, un trait d’union paisible entre l’intime et l’universel.