Littérature étrangère

Jorge Comensal

Les Mutations

illustration

Chronique de Anne-Sophie Rouveloux

()

Un avocat privé de parole, une psy fan de marijuana et un perroquet mal embouché, voilà quelques ingrédients des Mutations, comédie cynique qui ose mettre en scène la maladie d’une manière inattendue.

Ramon est un avocat brillant, bien installé dans sa vie et un brin arrogant. Un jour apparaît une douleur au niveau de sa gorge, puis de sa bouche. Ramon apprend alors qu’il est atteint d’une forme rare de cancer et qu’il doit rapidement subir une amputation de la langue. Privé de sa voix, sa vie change du tout au tout. L’image qu’il avait de lui-même en prend un coup bien sûr, mais ses relations avec les autres s’enrichissent de nouveaux alliés. Le lecteur qui souriait déjà pas mal s’amuse alors beaucoup. Teresa, sa psychanalyste, lui fait découvrir les vertus des gâteaux au cannabis, mais c’est la pieuse domestique Elodia qui lui offrira ce qui lui manquait pour tenter de se remettre : un perroquet, prénommé Benito. Notre héros se reconnaît en lui. L’oiseau est mal en point, farouche. Lorsqu’il se met à hurler « Connard ! », Ramon est conquis. Désormais, cela sera eux deux contre le monde entier. Pour son premier roman, Jorge Comensal frappe fort : il réussit à nous faire rire avec un sujet aussi grave que la maladie, grâce à un cynisme ravageur et un savant comique de situation. Il respecte aussi son lecteur. Les Mutations est un roman qui a du sens, qui fait réfléchir. Ce n’est pas une simple comédie, légère et vite oubliée. Ramon est véritablement mal en point, la situation est grave, comme dans la vie. Mais cette dernière est aussi parfois absurde et riche en personnages déjantés et attachants. L’auteur saisit ce que notre existence peut avoir de tragi-comique. Un autre argument de taille pour vous encourager à lire cette comédie particulière à la fin imprévisible et exceptionnelle. Si vous n’êtes toujours pas convaincu, je vous renvoie aux propos d’un vieux sage qui disait que l’on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde.

Les autres chroniques du libraire