Littérature française

Jeanne Benameur

L'Enfant qui

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photo libraire

Chronique de Pauline Girardin

Librairie Mots & Cie (Carcassonne)

Qu’est-ce qui nous rend libres ? Comment l’être ? Est-ce vraiment nécessaire ? L’Enfant qui tout entier le raconte et l’évoque, via trois personnages : l’enfant, la grand-mère, le père. De la mère, on ne saura que l’essentiel.

Trois vies sur une charnière. Trois êtres perdus, remis en mouvement par l’absence. Il y a l’enfant. Celui que les cris du père désincarnent, mais dont les os résistent encore pour n’enclore que le souffle ténu de sa présence. L’enfant fuit et se cherche, vagabondant avec un chien errant. Il écoute les arbres, la terre, le ciel ; il suit le chant de la langue maternelle différente, enfoui dans sa mémoire ; il rêve une maison au bord d’un à-pic. Quel âge a l’enfant ? Peu importe : c’est vous, c’est moi, c’est chacun de nous face à l’absence et au silence. Il y a le père. Un homme qui va de l’atelier au café. Il ne peut apprendre à son petit comment un homme tient debout entre le désir et la mémoire, puisqu’il l’ignore lui-même. Alors il crie, il crie sa crainte jusqu’à retrouver son propre chemin. Il y a la grand-mère. Elle est le lien qui tient ensemble cette étrange maisonnée où les mots sont cris de l’âme : ceux du père, son fils, les siens qu’elle tait, ceux que l’enfant n’a pas encore. En son temps, elle a payé le tribut à l’immobilité et au silence. Alors elle se tient droite, debout, pour que l’enfant grandisse sans peur. Enfin, il y a la mère, différente des gens du village. Venue, puis repartie. Disparue. Elle porte une robe d’un rouge fané et un bracelet tissé avec une pierre, rouge aussi. La mère, énigme et réponse, alors qu’elle n’est plus là. L’Enfant qui de Jeanne Benameur sonde ce qui nous enferme et ce qui nous libère. Sa langue poétique nous suggère cet indicible qui fait nos vies, nos rêves et nos actes. Le mystère humain reste insondable, mais l’imaginaire est la première porte à déverrouiller, et la langue – jusqu’à l’écriture pour certains – est ensuite ce qui nous met en mouvement. Qui s’interroge y trouvera sans doute de quoi forger un pan de réponse.