Littérature étrangère

Frey James

Le Dernier Testament

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photo libraire

Chronique de Romain Cabane

Librairie des Danaïdes (Aix-les-Bains)

Ben Zion Avrohom en a tous les signes. Il est juif et descendant direct de David : c’est lui le Messie tant attendu ! L’ennui c’est que le Messie en question débarque au milieu du New York du xxie siècle.

Dans la réalité, on nous prédit à grands coups de prophéties apocalyptiques la fin du monde pour l’année 2012… Dans son dernier roman, James Frey met en scène Ben, nouveau messie qui y va lui aussi de ses petites promesses terrifiantes de fin du monde imminente. Ben est un miraculé. Ce qui est plutôt un avantage pour qui se prétend messie. Il vit à New York, dans le Bronx. Mais Ben a ceci de particulier pour un messie qu’il ne fonde pas sa réputation sur des fables mystérieuses, des alarmes écologistes, un choc météoritique, un cataclysme majeur ou un scénario catastrophe. Tout de même, il ne renonce pas à promettre une fin du monde toute proche. Selon lui, l’inhumaine humanité se condamne elle-même chaque jour un peu plus. Le thème de la destruction de l’humanité par l’homme lui-même était déjà central dans son précédent roman, LA Story, il en conserve d’ailleurs un peu l’approche. Ici encore, ce qui retient l’attention de l’auteur, ce sont les vies des gens, tristes, ordonnées, pauvres, délinquantes, austères. Ce qui l’intéresse, c’est leur ressenti, leur façon de réagir, de vivre en société, d’accepter ou non le changement, l’étrangeté… Comment se sent-on face à la manifestation d’un événement, d’une chose que l’on ne comprend pas ? Est-on désarmé, charmé, effrayé, dégoûté ? Chaque personnage a son mot à dire dans cette histoire où les parallèles avec les Évangiles sont fréquents. Dans un style toujours très direct et plutôt efficace, James Frey s’amuse à provoquer des interrogations sur l’existence de Dieu, sur sa nature, sur sa présence, ou pas, parmi les hommes. Il pose la question des preuves de son existence, s’intéresse à ce qu’il représente pour les gens, du rôle qu’il joue au sein des sociétés… Toutes choses qui impliquent de questionner la place des religions, leur légitimité, leur sens, leur utilité… Devant la manière dont est reçu le nouveau messie par les mortels inconscients, on est amené à se demander comment on réagirait face à pareille situation. Comment réagit-on, comment accueille-t-on l’étrangeté et la différence ? C’est la question que pose James Frey dans cette manière d’allégorie romanesque.