Littérature étrangère

Robert Seethaler

Le Dernier Mouvement

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Chronique de Guillaume Le Douarin

Librairie L'Écume des pages (Paris)

Sous le sceau de la confession et dans l’esprit du film de Fellini, ce texte est un magnifique hommage à une figure disparue de la musique. En quelques pages, l’écrivain Robert Seethaler sublime la vie du grand Gustave Mahler. La traduction d’Élisabeth Landes ravit l’œil par son élégance et sa poésie.

Sur le pont d’un bateau, L’Amerika, Gustave Mahler médite sur ce que fut sa vie. Il rentre au pays pour mourir après une vie consacrée à la musique. Lui qui a toujours adoré les vues dégagées scrute l’horizon, avant sa fin. En quelques pages, ce court livre m’a fait vibrer de bout en bout. Sa profondeur est inversement proportionnelle à sa pagination. Ce texte est d’une richesse infinie car il « capte » l’essentiel de la vie d’un homme, sa substantifique moelle. Ce génie au physique ingrat, torturé par d’intenses souffrances physiques, a su transcender son mal pour nous offrir de la musique avant toute chose. Une vie d’errance aussi entre sa Vienne corsetée et une Amérique pleine de promesses. Une vie de drames aussi quand il perd sa fille adorée et que la belle Alma fait tourner d’autres cœurs. Une vie de travail acharné et de captation : il sut plus, que tout autre, être à l’écoute de la vie et de la vibration de la nature. Une vie au service de la bonne musique, celle qui ne s’explique pas : « Dès qu’on peut décrire la musique, c’est qu’elle est mauvaise ». À d’autres moments aussi ce texte se fait plus cocasse : la rencontre avec Rodin est particulièrement savoureuse et jubilatoire. Gustave Mahler, incontestablement, fut un homme de son temps à la recherche de la beauté et de l’exigence. Même les quelques pas qu’il fit avec Freud ne suffiront pas à le soulager de son poids existentiel. Robert Seethaler m’a une fois de plus séduit et entraîné dans un univers sensible et poétique, à l’instar du Tabac Tresniek. J’ai eu envie, une fois le livre refermé, de m’asseoir et d’écouter Le Chant de la terre. On ne peut qu’être reconnaissant aux éditions Sabine Wespieser de continuer à nous faire lire cette grande voix de la littérature autrichienne.