Littérature étrangère

Ben Fountain

Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn

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photo libraire

Chronique de Agathe Guillaume

Librairie De beaux lendemains (Bagnolet)

Après un recueil de nouvelles (Brèves Rencontres avec Che Guevara publié en 2008 chez Albin Michel), Ben Fountain nous offre un roman de guerre qui n’en est pas un, mais en dit long sur la société américaine contemporaine.

La compagnie Bravo est composée d’un sergent et de huit hommes placés sous son commandement, parmi lesquels Billy Lynn, 19 ans. Devenus célèbres grâce à Internet pour leur combat en Irak, les soldats entament une « Tournée de la victoire » pour Thanksgiving. Héros malgré eux, ils sont utilisés à des fins publicitaires par l’administration Bush afin de promouvoir la « guerre juste » et de justifier leur présence en Irak. Un producteur d’Hollywood leur promet 100000 dollars chacun si leur histoire devient un film, et ils sont même reçus à la Maison-Blanche ! Après un bref passage émouvant dans leur famille, le spectacle se clôt par un « Big match » au Texas Stadium de Dallas. Au même titre que les pom-pom girls ou Beyoncé – car les Destiny’s Child sont là aussi –, nos chers soldats sont invités à divertir les spectateurs à la mi-temps. Ce patriotisme exacerbé mêlé aux réminiscences guerrières sèmera doute et confusion dans l’esprit de Billy. D’autant plus qu’il connaît son premier flirt sérieux avec une pom-pom girl évangéliste et préférerait rester dans ses bras au moment de repartir. La gloire sera en effet de courte durée et laissera, après heurts et fracas, un goût amer à nos héros. Amours et famille ne pourront rien contre la machine de guerre. Mis en scène, exhibés telles des bêtes de foire, la compagnie Bravo est le symbole de la médiatisation de la guerre et de la culture du divertissement pour tous. Dans cette société où tout est parfaitement orchestré, la guerre n’est qu’un prétexte afin de récolter des votes pour les uns et des gains pour les autres. Ce roman est celui du malaise traversé par la société américaine et une dénonciation de son cynisme. Ben Fountain met à mal le rêve américain. Son traitement de la guerre, sans armes ni combats, est tout à fait original. Il rend ainsi hommage à des maîtres du genre comme Tom Wolfe ou Joseph Heller et son Catch 22. Chapeau bas !