Jamais le ciel ni les rivages

Comme un écho lointain à La Route de Cormac McCarthy, le roman s’ouvre sur une période indéterminée et la fuite d’un adulte avec un jeune garçon alors qu’autour d’eux les éléments se déchaînent. De même que parfois il neige en avril, les pires calamités accomplissent ce qui devait advenir. Et tandis que Lazarus lance sans but avéré sa voiture sur les routes avec ce garçonnet mutique, Anthony, le p'tit Tonio de la cité des Pins devenu flic, constate avec fatalisme le décès de Souliko, jeune fille dont la vie s’est achevée dans une cave sordide. Dans la cité, la colère gronde et fait des migrants des boucs émissaires de premier ordre. Depuis presque deux ans, Nour, elle, se donne jour et nuit dans les Balkans auprès d'une ONG dédiée aux réfugiés mineurs et laisse doucement Frantz entrer dans sa vie. Roman choral, Jamais le ciel ni les rivages tisse avec lenteur les liens entre chacun de ses protagonistes. La langue ouvragée, dentelée, toute en métaphore nous montre la volonté farouche, l’urgence, le besoin vital qu’ils ont d’accomplir des gestes parfois insensés. Il nous faudra, nous lecteurs, être tout entiers à ce style où chaque mot a son importance pour que la magie opère et que le voile se lève. Cette magnifique histoire nous entraîne dans un périple géographique et temporel où se mêlent incertitudes du monde et évidence des sentiments qui parfois lient les êtres sans que cela ne s’explique. Ce roman est ainsi celui des sentiments pudiques et profonds, de la solitude et de la solidarité sans faille, de l’instabilité et de la solidité. Et lorsque que vous refermerez le roman, il vous faudra un certain temps pour regagner notre monde. Et sans nul doute, vous n'en reviendrez pas tout à fait pareil.