Polar

Morgan Audic

Personne ne meurt à Longyearbyen

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Chronique de Christelle Le Botlan

Librairie Un livre sur l'étagère (Châteaubourg)

Morgan Audic, pour son troisième roman policier, nous emmène dans les eaux froides de la région de l'Arctique où la mort s’invite plus que de raison. Un roman glaçant à bien des égards.

Les échouages de cétacés s’accumulent sur les côtes de la mer de Norvège, tandis que surviennent deux décès surprenants faisant soudainement mentir le dicton local, « Personne ne meurt à Longyearbyen ». Lottie Sandvick, des services du gouverneur du Svalbard, connaît trop bien les ours depuis son enfance sur ces terres difficiles pour croire qu’Agneta Sorensen, jeune étudiante en biologie arctique à l’UNIS, ait été tuée par Frost, ourse protégée et star de documentaires Netflix. À des centaines de kilomètres de là, les mêmes stupeur et incrédulité frappent Nils Madsen lorsqu’il apprend le suicide d’Asa, son ancienne coéquipière grand reporter, avec laquelle il avait couvert les plus grands conflits mondiaux de ces dernières années. Asa avait raccroché et ouvert une agence d’excursions en mer et un centre écologique autour des baleines et des orques. Dès lors, comment prouver qu’il y a bien eu meurtre pour Agnéta et pour Asa ? À chaque avancée apparente, une porte dérobée s’ouvre péniblement sur un nouveau couloir bien sinueux. Lottie se heurte au silence et à l’hostilité des locaux ainsi qu’à ses propres démons tandis que Nils, perçu comme un « fouineur » sans légitimité, est pressé par sa rédaction de ne pas s’attarder sur ce dossier trop personnel. Morgan Audic s’amuse avec le genre policier. Comme un marionnettiste, il prend plaisir à nous faire languir, laissant patiner ses enquêteurs. La puissance de ce thriller réside dans la description des contextes historiques, géopolitiques, géostratégiques majeurs et complexes qui régissent notre monde, que l’auteur, par ailleurs professeur d’Histoire-géographie, a su habilement mettre en avant. Lui-même qualifie ses romans d’« ethno-polar » ; mâtinés d'« éco-polar », pourrait-on ajouter.  Car si l'impact du tourisme, la pollution sonore, les rejets plastiques sont une catastrophe pour la faune marine, ils n’atteindront jamais le niveau de destruction de la prédation mercantile des humains.