Littérature française

Échos d’un soulèvement révolutionnaire

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Par Sarah Gastel

Librairie Terre des livres (Lyon)

Un an après la mort de Mahsa Amini pour un voile mal ajusté, un vent de révolte souffle toujours sur l’Iran. La désobéissance civile de la jeunesse iranienne est si puissante que le monde entier a été obligé de la regarder. Trois parutions reviennent sur cette insurrection et propagent la voix des Iraniens.

L’assassinat de la jeune femme, le 16 septembre 2022, déclenche un mouvement révolutionnaire inédit dans une société régie depuis plus de quatre décennies par une théocratie masculine. « Femme, vie, liberté » retentit dans des manifestations sans précédents que les autorités répriment durement.

Ce slogan, c’est le titre du premier roman graphique des éditions de L’Iconoclaste. Dans cette histoire dessinée de la révolte iranienne, dirigée par Marjane Satrapi, dix-sept dessinateurs français (Coco, Catel, Lewis Trondheim…) ou iraniens (les frères Neyestani, Bahareh Akrami…) donnent vie aux textes de trois spécialistes de la région, le politologue Farid Vahid, le reporter Jean-Baptiste Perrin et l’historien Abbas Milani. L’ouvrage, didactique et souvent drôle, composé d’une vingtaine de chapitres aux styles et tons variés, retrace les événements et donne des clefs pour comprendre l’Histoire et la culture iraniennes. On y découvre le sens de la chanson Barâyeh, l’hymne de la révolte, la vie quotidienne à la prison d’Evin, l’histoire de « la fille bleue », jeune supportrice de foot, le fonctionnement du régime, la censure ou encore des portraits d’opposants. Il est rappelé que ce combat pour la liberté de la femme s’inscrit dans une longue histoire de lutte.

La mytho-histoire iranienne foisonne de « femmes libérées et libératrices » comme Tâhereh, poétesse et mystique du XIXe siècle, pionnière du féminisme, et figure tutélaire du témoignage Dans les rues de Téhéran. Publié sous pseudonyme, ce texte livre le récit d’un quotidien vu de l’intérieur par une Iranienne. Témoin et actrice, elle raconte les slogans criés la nuit derrière les fenêtres, les lycéennes qui enlèvent leur voile, les arrestations mais aussi son amour pour la poésie, l’irréfrénable résistance des gens et l’espoir en marche : « Désormais nous savons que, même si notre régime politique ne change pas, notre trajectoire, elle, a changé pour toujours. »

En écho à ces deux livres, La Dernière Place, inaugurant la nouvelle collection « Les nouvelles du réel » aux éditions Stock, porte la parole des victimes du régime iranien. À travers l’histoire de sa cousine Niloufar disparue le 8 janvier 2020 dans le vol 752 d’Ukraine International Airlines reliant Téhéran à Kiev, l’un des événements qui préfigurent le mouvement révolutionnaire de l’automne 2022, Négar Djavadi analyse la colère du peuple et expose les mensonges du pouvoir. Un récit intime et géopolitique qui oppose à l’Histoire officielle le portrait vibrant de Niloufar.