Littérature française

Patrick Deville

Viva

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photo libraire

Chronique de David Piovesan

Librairie Au Temps retrouvé (Villard-de-Lans)

Patrick Deville écrit une page oubliée de l’histoire des idées autour d’une petite bande d’exilés européens qui trouvèrent refuge au Mexique au début du xxe siècle. Et si ce récit n’était pas si loin de nous ?

Mexico, milieu des années 1920. Patrick Deville dépeint un petit groupe d’exilés européens venus trouver sur le sol indien les « bases d’une culture magique », comme le dira le poète Artaud. Leurs routes se croisent. Au centre, Diego Rivera et Frida Kahlo. Autour d’eux, les destinées de Malcolm Lowry et de Leon Trotsky, que l’on suit plus précisément. C’est au sein de cette petite bande (a band of brothers) que tout se joue, « l’avenir de l’art comme [celui] de la révolution ». Ils considèrent que la culture occidentale est trop rationaliste, limitée, finie, décrépie, et perçoivent dans les traditions amérindiennes qui bouillonnent, un creuset pour refaire le monde. Ils aiment les expériences (hallucinatoires) et affectionnent le mezcal. Quelque chose les pousse à « abandonner la vie qu’ils aimeraient mener, les êtres qu’ils aiment, pour aller toujours chercher plus loin », pour aller « voler une étincelle à leur tour ». Cette quête de l’absolu, politique ou poétique, nous la suivons avec Malcolm Lowry qui, pendant ces années mexicaines, n’en finit pas de reprendre son roman Au-dessous du volcan (Folio), mais aussi avec Trotsky, le proscrit russe accueilli au Mexique en guise de riposte aux procès de Moscou. Patrick Deville poursuit avec Viva son exploration de ces décennies où « tout s’invente, le monde est neuf dans le chaos régénérateur ». Lui-aussi, comme à son habitude, suit les mêmes chemins que ces hommes et femmes, loge dans les mêmes hôtels, s’arrête aux terrasses des mêmes cafés, comme s’ils avaient laissé, ici ou là, quelques traces de leur force et de leur génie. Et Viva chante comme un cri désespéré lancé par cette petite bande d’utopistes qui voulaient changer le monde, la politique et les arts. Un cri déchiré pour sortir de l’obscurité et apercevoir des aubes plus radieuses. Un cri lancé il y a un siècle, mais qui, somme toute, résonne peut-être encore.