Littérature étrangère

Aldous Huxley

Temps futurs

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photo libraire

Chronique de Cédric Broussier

Pigiste ()

À l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort d’Aldous Huxley, Plon réédite dans la collection « Feux Croisés », inaugurée en 1928, les quatre plus grands succès de cet auteur culte. En mai, deux titres phares : Le Meilleur des mondes et Temps futurs, en octobre : L’Île et Retour au meilleur des mondes.

Aldous Huxley est mort le 22 novembre 1963 – événement effacé le même jour par l’assassinat de JFK et la mort du très célèbre écrivain C. S. Lewis – dans l’incapacité de parler, demandant par une note écrite à sa femme une injection de 100 grammes de LSD, accédant ainsi à ce qu’il a nommé pendant sa vie une recherche de la « philosophie éternelle ». Grâce à son œuvre, considérable et fouillée, Aldous Huxley s’est inscrit comme un personnage mythique dans l’histoire de la littérature. Penseur humaniste, il cherche à travers son œuvre à montrer les différents futurs possibles pour notre société telle qu’il la perçoit à son époque. En effet, il n’a cessé d’observer, à travers le temps et les lieux, le rôle que pouvaient jouer la science et la technologie dans le contrôle des masses. Le Meilleur des mondes, qu’il écrira en quatre mois au retour d’un voyage aux États-Unis en 1931, lui inspire des personnages contrastés, exposés à un conditionnement chimique et psychologique, annihilant tout désir d’individualité. Il livre ici une vision pessimiste d’un monde outrageusement consumériste. Il écrit Temps futurs en 1948, en pleine guerre froide, où il dénonce avec véhémence les dangers du nucléaire, et met en scène l’extermination de l’espèce humaine au moyen d’une guerre bactériologique et des mutations génétiques qui en résultent. En 1954, il publie Les Portes de la perception (10/18) qui se présente sous la forme d’une vingtaine d’études sur l’éveil spirituel dont la plus célèbre fut écrite sous mescaline, une substance psychédélique. Huxley rédige en 1958 Retour au meilleur des mondes (Pocket), essai dans lequel il s’interroge sur les trente années qui viennent de s’écouler et le futur qu’il avait envisagé dans Le Meilleur des mondes. Son analyse s’avérait assez juste, à son grand désarroi, quant aux possibilités d’évolution de nos sociétés vers un contrôle des populations. Pourtant, L’Île (Pocket), roman paru en 1962, nous offre lui une version utopique, comme une « troisième possibilité » au destin des individus. L’homme peut dès lors évoluer en harmonie avec la nature et la science dans une société basée sur l’échange et le partage des valeurs humanistes et des biens. Celle-ci ne serait plus asservie par la technique qui apparaît, au contraire, comme une source de libération. Cet ouvrage est aussi très marqué par le fait qu’Huxley s’est ouvert à une forme d’éveil spirituel hindou, le vedanta. Que ce soit à travers la prise de drogues ou par son adhésion à cette philosophie indienne, il a cherché des solutions aux problèmes qu’il avait soulevés dans ses livres. Comme beaucoup de grands auteurs de science-fiction, Aldous Huxley s’est appuyé sur les dérives extrêmes de la société pour édifier son œuvre ; comme beaucoup aussi, il espérait que les faits imaginés ne prendraient jamais le pas sur la réalité. Pour lui, renier le progrès n’a aucun sens, il s’agit simplement de prendre conscience que ce n’est pas l’évolution technique qui nous permettra de nous connaître nous-mêmes ou qui nous fera accéder à la plénitude.