Littérature étrangère

Tanizaki Jun’ichirô

Louange de l’ombre

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photo libraire

Chronique de Christelle Courtiel

Librairie Livres in room (Saint-Pol-de-Léon)

Sous le titre Louange de l’ombre, les éditions Philippe Picquier proposent une traduction inédite d’un texte publié initialement en 1933. Tanizaki, auteur japonais à l’œuvre éclectique, invite à une pause méditative sur l’importance de l’ombre.

Pourquoi aduler l’ombre ? L’esthète, ou l’homme de goût amateur de la civilisation japonaise, trouvera pleine satisfaction dans cette plongée au cœur de la beauté de l’ombre. C’est en effet dans les structures japonaises traditionnelles que l’on travaille parfaitement, selon Tanizaki, la quintessence de l’ombre. L’ombre apparaît ici comme une sorte de transition entre deux opposés. Quelles palpitations procurent l’attente et l’inconnu ! Que cache la robe informe d’une femme ? À quoi ressemblent réellement les acteurs du théâtre Nô ? Est-il nécessaire d’allumer la lumière dans les toilettes au risque de heurter notre sensibilité ? Sous une plume humoristique transparaît l’amour des valeurs japonaises. Tanizaki insiste sur l’importance de préserver le Japon traditionnel, car celui-ci est menacé par son occidentalisation, en particulier à cause de la lumière. Avec quelle souffrance l’auteur assiste à la « fin de la culture japonaise ». Son œil sensible et ses autres sens sont si affûtés qu’il ne cesse d’être tour à tour enchanté, surpris ou heurté par un détail hermétique au reste du genre humain. Le talent d’exploiter l’ombre jusqu’à la perfection apparaît d’autant plus clairement lors des comparaisons entre Japon et Occident. Lorsqu’il séjourne dans un hôtel à l’occidentale, Tanizaki a une prise de conscience douloureuse : il s’y sent mal. Mais n’est-ce pas justement quand on est loin de chez soi qu’on se découvre attaché à son pays ? À travers souvenirs et anecdotes, Tanizaki déroule le fil de sa pensée, conscient toutefois de la nostalgie qu’il entretient pour le passé et qui revient comme une antienne : « Ah, c’était mieux avant ! », provoquant sourires et réflexions chez le lecteur.

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