Bande dessinée

Jérémie Moreau

Les Pizzlys

illustration

Chronique de Pauline Brun

Librairie Sauramps Cévennes (Alès)

Avec sa couverture aux couleurs flamboyantes qui nous emmène tout droit au pays imaginaire et son titre intriguant, on ne peut attendre un instant de plus pour ouvrir cette belle promesse qu’est le nouvel album de Jérémie Moreau. Le lauréat du Fauve d’or 2018 pour La Saga de Grimr (Delcourt) revient avec une nouvelle pépite.

Dans un style graphique éblouissant qui frise parfois, voire souvent, le psychédélique, Jérémie Moreau aborde une nouvelle fois les thèmes chers à son cœur comme le fonctionnement du monde, la transmission et les voyages intérieurs. À travers le récit d’une fratrie à la dérive, il nous questionne sur notre rapport au vivant, nous met le nez dans la grande catastrophe climatique qui nous attend. Les planches sont magnifiques, l’auteur explore sa palette avec audace et nous offre des doubles pages stupéfiantes. Le récit est soutenu par les dessins et la mise en scène avec brio.

Nathan est surmené depuis qu’il a la charge de ses deux plus jeunes frère et sœur. Chauffeur Uber dans la capitale, il est parfois sujet à des vertiges, des hallucinations. Un soir, en pleine course, c’est l’accident. Plus de voiture, plus de revenus. C’est à ce moment que frappe le destin et que les trois petits Parisiens orphelins vont faire la rencontre de leur vie. En hébergeant chez lui la femme qu’il devait emmener à l’aéroport, Nathan va être amené à prendre une décision radicale. Elle aussi à la croisée des chemins, moitié guide chamanique moitié grand-mère gâteau, elle est le lien qu’ils ne trouvaient plus. Ils vont alors tout quitter et se retrouver propulsés sur un autre continent, au sein d’un peuple presque éteint, au beau milieu de l’Alaska. Et on est ravi d’y aller avec eux. Pourtant c’est une terre dure, en pleine mutation. Il va falloir apprivoiser le froid, le manque d’électricité mais aussi désapprendre la vie citadine avec tous ses gadgets futiles. Au fil des rencontres et des découvertes, les urbains vont revenir à la nature.

C’est un voyage initiatique mystique autant pour les personnages que pour le lecteur. Comme dans ses précédentes bandes dessinées (Penss ou La Saga de Grimr également chez Delcourt mais aussi Le Discours de la panthère aux éditions 2024), Jérémie Moreau interroge le vivant, le rapport à la nature, aux autres et aux animaux. Les Pizzlys est fortement inspiré par les écrits de Natassja Martin et Baptiste Morizot (que l’auteur cite en fin d’ouvrage). Cette anthropologue et ce philosophe étudient les relations entre l’homme et le non-humain, la place que l’homme moderne occidental laisse à la nature, son éventuel réensauvagement. On ne peut s’empêcher nous aussi de nous questionner. La recherche d’identité est au cœur de cette histoire qui nous transporte et nous émeut. C’est encore une fois une vraie prise de position, une belle mise en garde, un beau rappel à l’essentiel.