Littérature française

Grégory Nicolas

Les Fils du pêcheur

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photo libraire

Chronique de Julia Lerat

Librairie Le Failler (Rennes)

Le somptueux portrait d’un père à la fois tendre et étranger à travers le regard fasciné de ses trois fils, définitivement réunis dans la peine et l’amour fou qu’ils lui portent. Émotions garanties.

Alors qu’il s’apprête à être lui-même père pour la deuxième fois, le narrateur reçoit un coup de téléphone qui va bouleverser sa vie. Son père, pécheur dans les côtes d’Armor, vient de disparaître en mer. Son bateau, son cher Ar c’hwil sur lequel il a passé sa vie, a sombré. Dévastés, ses deux frères et lui se souviennent de ce marin si singulier, à la fois lumineux et mélancolique, de ce qu’il a bien voulu leur dévoiler de son enfance et de sa vie d’homme, de mari. De père. Mais une impression étrange ne quitte pas le narrateur, comme un mauvais pressentiment dont il n’arrive pas à se défaire; quelque chose qui lui dit que non, son père n’a jamais été véritablement heureux. De fil en aiguille, de souvenirs en rencontres, les trois frères réussiront petit à petit à lever le voile sur le passé amer de leur père et, par ricochet, à faire la paix avec leurs propres décisions, leurs attentes, leurs devenirs. Lire Les Fils du pêcheur, c’est se laisser bercer par le talent hors normes de conteur de Grégory Nicolas. C’est partir un matin brumeux en mer avec Jean, à l’heure où le soleil commence tout juste à se lever et où le clapotis des vagues sur la coque répond aux cris des mouettes et à la musique des haubans. C’est respirer à pleins poumons l’air du large et espérer secrètement que le voyage ne s’arrête jamais. C’est se laisser porter de Rennes à Kersaint, en passant par Brest ou Dakar, et s’embarquer pour une traversée romanesque dont on ressort le cœur à la fois lourd et léger. C’est ressentir toute cette affection, cette tendresse, tout cet amour fou qu’irradient les fils du pêcheur. « Il y a trois sortes d’hommes, les vivants, les morts et ceux qui sont en mer. » Jamais citation d’Aristote n’aura trouvé plus bel écho que le roman sublime de Grégory Nicolas.