Littérature étrangère

Gudrún Eva Mínervudóttir

Le Créateur

illustration
photo libraire

Chronique de Xavier Cerf

Pigiste ()

Dans son septième roman, l’auteure islandaise campe un duo de personnages troublants, histoire de jouer avec nos peurs et d’aborder le thème du mal-être. Suspense, tension, et humour noir garantis.

La frontière entre le pouvoir de captiver le lecteur et de le perdre est parfois mince. Pour l’auteure, qui choisit d’écrire sur un fil, le défi est périlleux. Mais lorsque l’équilibre est atteint et perdure, le pari s’avère réussi. Et le livre l’est d’autant plus, qu’il maintient le lecteur en alerte, sans trop savoir où l’auteur va l’emmener. Dans Le Créateur, Gudrún Eva Mínervudóttir nous conduit près de Reykjavik, chez Sveinn, fabricant de poupées érotiques. L’homme est solitaire et vit dans une maison sombre. Il se dévoue presque exclusivement à son activité. Un jour, son quotidien est chamboulé par une femme, Loa, dont le véhicule tombe en panne en face de chez lui. Surpris, Sveinn décide de lui donner un coup de main et l’invite finalement à dîner. Entrecoupée de silences pesants, la soirée s’éternise. Puis, exténuée, Loa s’endort dans l’un des fauteuils du salon. Au réveil, elle explore les lieux et découvre, accrochées au mur, des poupées sans tête et nues. Inexplicablement, elle choisit d’en voler une, pendant que Sveinn dort d’un sommeil lourd et profond. Une fois réveillé, ce dernier se rend bientôt compte du vide laissé par le larcin et part à la recherche de sa mystérieuse invitée, convaincu de sa culpabilité. S’ensuit un bras de fer psychologique au cours duquel les deux protagonistes apprennent à se connaître, à se détester parfois, à se respecter aussi, et à se confier petit à petit sur leur mal de vivre. Gudrún Eva Mínervudóttir envoûte le lecteur tout en l’amenant à s’interroger sur les affres de l’existence. Une façon de rappeler que la vie ne tient souvent qu’à un fil.