Essais

Mona Ozouf

Jules Ferry - La Liberté et la tradition

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Chronique de Olivier Huguenot

Librairie Le Neuf (Saint-Dié-des-Vosges)

Normalienne agrégée de philosophie et auteur de L’École, l’Église et la République, La République des instituteurs, Varennes, la mort de la Royauté, Composition française, Retour sur une enfance bretonne ou La Cause des livres, Mona Ozouf consacre la plupart de ses ouvrages à la Révolution française et à l’école républicaine. Nouvelle démonstration avec ce Jules Ferry, qui se présente davantage comme un lumineux essai politique qu’une biographie pur sucre. Né en 1832 à Saint-Dié dans les Vosges, député des Vosges, maire de Paris, ministre de l’Instruction publique et président du Conseil, le Lorrain aura exercé une influence considérable sur la vie politique française jusqu’à sa mort en 1893. L’ouvrage s’avère un complément indispensable à qui veut comprendre la pensée et l’action de l’un des hommes les plus haïs de la République française. Tout au long de son livre, Mona Ozouf s’interroge sur cette étrange coupure entre les ambitions souvent louables de l’homme politique et leurs réceptions au sein de l’opinion. « Unir la tradition à la liberté, voici la difficulté, voire la contradiction, que Ferry va rencontrer à tous les moments de son parcours. […] Les réformes qu’il a mises en œuvre continuent à tisser notre vie quotidienne. Et pas seulement en raison des écoles qu’il a rendu gratuites, obligatoire et laïques et auxquelles on pense toujours quand on l’évoque. Elle écrit encore, en référence à la liberté de la presse et à celle de réunion, aux libertés syndicales et aux lois municipales, que « Toutes nos libertés publiques, devenues invisibles par leur évidence même, ont été acquises au long des six petites années où Jules Ferry a détenu le pouvoir. » Il était animé, dit-elle, de « cette obsession d’enraciner la République sur un sol durable, de réduire ce qu’il appelait les “soubresauts” de la politique française et de “fixer” les institutions. » Mona Ozouf s’attache à réhabiliter Jules Ferry dans la mémoire collective nationale, allant jusqu’à battre en brèche les accusations de théoricien du colonialisme dont on l’accable depuis le début des années 1960. « Colonisateur, assurément mais colonialiste, non », jure-t-elle. Le texte est sobre et instructif. Au-delà de la figure de Jules Ferry, il est une invitation à donner du sang neuf aux grandes idées qui fondent notre République.