Pour qui n'aurait pas lu L'Affaire Petit Prince, présentez-nous Pierre Bayard.
Clémentine Beauvais Pierre Bayard est un détextive privé et toute ressemblance avec un autre Pierre Bayard n’est pas du tout fortuite ! J’admire depuis longtemps l’œuvre du Bayard de notre monde. J’ai eu l'idée d'en faire une série de fiction jeunesse car son approche des textes est hyper ludique et palpitante : ce sont des enquêtes. J'appelle ça du policier littéraire dans le sens où ce sont des enquêtes à résoudre (meurtre, kidnapping) à l’intérieur d’un classique de la littérature jeunesse.
Pierre Bayard et sa fine équipe partent cette fois-ci sur la piste de Peter Pan.
C. B. Une grande partie de l'intrigue est en relation avec un mystère qui s’est passé pendant la Première Guerre mondiale. Sarrasine Cabochon, une très vieille dame, découvre une lettre qui sous-entend que son frère ne serait pas mort dans une tranchée mais qu’il s’agirait d’un meurtre et que la clé de ce mystère serait dans Peter Pan. Malheureusement ‒ je spoile un peu ‒, dans le monde de Bayard, Peter Pan n’existe pas, ce qui ne va pas arranger ses affaires. Ce fut un grand bonheur d’écrire sur Peter Pan car c’est pour moi un chef-d’œuvre.
Je dois vous l’avouer, je n'ai jamais lu Peter Pan mais, si on en croit Bayard, cela ne m'empêcherait pas d'avoir une conversation passionnante à son propos avec Bas-de-Casse qui ne l'a pas lu non plus (même avec un couteau sous la gorge).
C. B. C’est vrai que l’œuvre du Bayard de notre monde est une grosse source d’inspiration. Il a écrit Comment parler des livres que l’on n’a pas lus. Autant Le Petit Prince est lu et étudié, autant Peter Pan est nettement moins connu. Le public en a tout de même une vague idée grâce à Disney mais, comme souvent, le dessin animé est très différent de sa source d’inspiration.
La visite de Minuit-Pile au Muséum d'Histoire naturelle m’a déclenché un véritable fou rire !
C. B. Oui, il y a un truc qui cloche quand même dans Peter Pan : comment un crocodile ‒ d’ailleurs une crocodile dans la version originale ‒ a-t-il pu avaler une horloge ? Déjà on entend le tic-tac depuis l’extérieur et ensuite l’horloge n’est jamais tombée en panne : c'est très intrigant cette affaire ! Minuit-Pile se rend donc au muséum pour vérifier s’il est possible qu’un crocodile puisse avaler une horloge. Je m’inspire une fois encore du vrai Bayard et de son approche scientifique de ce genre de mystères littéraires. Il est lui-même allé en Grèce visiter les carrefours où Œdipe aurait pu tuer son père.
À travers cette série, vous montrez que l'analyse littéraire n'est pas un tue-l'amour (référence à votre texte Comment jouir de la lecture ?) mais qu’elle peut être très joyeuse.
C. B. Oui, c'est le grand parti pris de cette série. Je trouve toujours dommage de considérer que « disséquer » des textes gâche forcément le plaisir de leur découverte. Ce n'est pas vrai du tout. L'enseignement scientifique a fait de grands progrès quand on a compris qu’il fallait expérimenter avec les enfants, que l’analyse de ce qui nous entoure facilitait l’assimilation d’un savoir. Il en est de même avec l’analyse littéraire : c’est une manière de lire extrêmement rigoureuse mais surtout passionnée. Je l'ai expérimentée adolescente en travaillant sur des extraits d’Harry Potter. Les « théories » de fan n’étaient rien d’autre que de l’analyse. Loin de tuer l’amour d’un texte, cette démarche le renforce et le peaufine. C’est d’ailleurs le but de cette série. D’où l’idée de proposer sur le site de Sarbacane un kit de détextive privé pour s’amuser à résoudre des mystères littéraires en classe ou en bibliothèque.
Et pour la suite ?
C. B. C'est un secret mais voici deux indices. Je traiterai de grands classiques de la littérature jeunesse européenne mais jamais d’un même pays. Donc ce ne sera ni la Comtesse de Ségur ni Lewis Carroll ! Le premier était un huis clos, celui-ci est un pastiche de romain gothique. Le prochain sera un roman d’espionnage !
Où tout commence avec un gland atterri accidentellement dans un verre de diabolo menthe et une lettre vieille de près d’un siècle. Une lettre postée depuis les tranchées de la Première Guerre mondiale par le frère de Sarrasine Cabochon qui évoque un roman PAN comme un coup de fusil, PIERRE comme son cœur d’un certain BA-quelque-chose. Mais pourquoi personne ne semble connaître ce roman ? Pas même l’éminente directrice de la BNF Gudule de Senderos ? Il n’en faut pas plus à Pierre Bayard, sa fidèle associée Édith, l’intrépide Bas-de-casse et l’inventif Minuit-Pile pour foncer tête baissée dans une nouvelle enquête. Direction Londres où des vieux poilus jouent aux pirates du côté de Kensington.