Littérature française

Philippe Besson

Une bonne raison de se tuer

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photo libraire

Chronique de Martine Clesse

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Alors que les États-Unis retiennent leur souffle dans l’attente des résultats des élections présidentielles, Samuel et Laura vivent la journée la plus longue de leur existence. Entre espérance et détresse.

Mardi 4 novembre 2008, les États-Unis sont en effervescence, le pays va peut-être élire son premier président afro-américain. La foule est agglutinée depuis le matin devant les bureaux de vote. Toutes les radios et télévisions sont mobilisées pour couvrir l’événement minute par minute. Le suspense, qui durera jusqu’à la fin de la journée, est à son comble. Tout le monde semble retenir son souffle… hormis deux personnes, Laura et Samuel.

Laura, un peu plus de la quarantaine, est divorcée. Elle a décidé qu’elle serait morte ce soir. C’est une décision mûrie et elle prépare méticuleusement son geste dans le secret de sa résolution. Avant son divorce, elle menait une vie paisible dans une maison luxueuse, avec ses deux enfants et son mari, dont elle était très dépendante. Depuis deux ans, elle mène une vie ordinaire et plate, elle se sent totalement en décalage par rapport aux idéaux américains. Elle loue un petit appartement, travaille quelques heures par jour dans un café. L’aîné de ses garçons est distant, le cadet a préféré vivre avec son père. Plus rien ne la retient.

Pour Samuel, lui aussi divorcé, le monde vient de s’écrouler. Aujourd’hui, il doit enterrer son fils unique âgé de 17 ans. Il s’aperçoit qu’il le connaissait peu. Soumis à la règle des visites autorisées, il a le sentiment que des pans entiers de sa personnalité lui sont restés inconnus. Il s’interroge sur les circonstances de son décès, cherche les signes de cette décision.

Sur fond de liesse nationale, Philippe Besson dresse le portrait de deux personnages cabossés par la vie, cassés, vaincus par une douleur lancinante. Les réflexions de l’un et de l’autre s’entrechoquent, se répondent. C’est un long questionnement sur l’existence et sur les vies des êtres qui nous entourent, avec la Californie en toile de fond, cette quintessence de l’Amérique, ce symbole du rêve américain qui contribue à accentuer l’impression d’individualisme. La terre ne s’arrêtera pas de tourner pour Laura et Samuel. On meurt dans l’indifférence. « La vie suit son cours, chacun poursuit son histoire » .